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Il était une fois Vervins

Publi du samedi 17 novembre 2012
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Vervins : De gueules à trois tours d’argent crénelées, maçonnées de sable, celle du milieu dominant sur les autres qui lui sont flanquées ; Avec cette devise: Dieu En Soit Garde.

C’est, comme beaucoup de ville anciennes, par de multiples mutations de la loi, des habitudes et des usages que c’est formé la vie et la personnalité de la ville de Vervins. Depuis les simples querelles de cloché jusqu’au luttes d’influences plus importantes entre pays, en passant par les manigances religieuse, rien ne sera épargné à cette petite ville qui conserve encore de nos jours une richesse patrimoniale intéressante et une identité marqué par son passé.

Maximilien Melleville dans son « Histoire de la ville et des sires de Coucy-le-château » nous livre en 1848 un déroulé détaillé de l’histoire de la ville de Vervins de ses lois qui pour certaines furent élevées au rang de modèle pour d’autres villes tout en commentant par le détail le rôle important de la famille de Coucy dans cette fresque historique qui nous conduira presque au temps présent tout en débutant par les temps les plus anciens de l’antiquité.

Les temps anciens

Vervins, autrefois Vrevins. en latin Verbinum ou Vervinum, est l’une des plus anciennes cités de la province car on ne saurait guère mettre en doute que ce soit elle dont l’itinéraire d’Antonin et la table théodosienne font mention sous le nom de Verbinum. Les sépultures romaines, des médailles et les poteries de même origine qu’on y a découvertes avec assez d’abondance, confirment dans l’opinion que cette ville existait déjà à l’époque de l’invasion des Romains, ou du moins qu’ils en sont les fondateurs.

Toutefois, on ne trouve de documents écrits sur cette cité qu’à partir du Xe siècle. On lit, il est vrai, dans un ancien manuscrit, que Vervins fut fortifié sous le règne de Clovis, au VIIe siècle ; mais il est probable qu’elle ne prit pas rang parmi les villes avant le XIIe siècle, époque où elle entra dans les domaines de la puissante maison des sires de Coucy.

Les démêlés qui s’élevèrent entre les habitants de Vervins et ceux de Tavaux, au commencement de ce siècle, semblent confirmer dans cette conjecture.

Douzième siècle

Tavaux est un très ancien village situé sur la Serre à trois lieues au sud de Vervins. Il était, avant le XIIe siècle, le séjour du prévôt du chapitre de la cathédrale de Laon. On regardait son église comme l’une des plus anciennes du diocèse et comme l’église matrice du canton. Aussi, les habitants de plusieurs villages voisins et même assez éloignés étaient-ils alors tenus d’y rendre le pain béni et d’y venir, chaque année, faire leurs pâques.

Les habitants de Vervins partageaient ces obligations, et c’était à regret. Ils se trouvaient surtout choqués de voir les gens de Tavaux prendre le pas sur eux à la procession et affecter ainsi une suprématie blessante. Ils cherchèrent donc à s’en affranchir, quand leur ville étant entrée dans le domaine de la maison de Coucy, ils purent invoquer le patronage d’un homme puissant. A cet effet, ils engagèrent leur seigneur à faire des dégâts sur le terroir de Tavaux, afin de les venger des menaces que les habitants de ce village faisaient entendre contre eux.

Le sire de Coucy, seigneur de Vervins, était précisément ce fameux Thomas de, Marle, dont la vie turbulente et les brigandages occupent une large place dans les premiers feuillets de cette histoire. Fournir à un tel homme un prétexte pour rançonner et piller le pays, c’était combler ses désirs ; aussi les Vervinois eurent-ils peu d’efforts à faire pour le déterminer à se rendre à leurs sollicitations, et en 1128, il porta le fer et le feu sur le terroir de Tavaux, enleva plusieurs hommes de ce village et les retint prisonniers à Vervins.

Les habitants de Tavaux portèrent leurs plaintes devant le chapitre de Laon, leur seigneur temporel, et celui-ci lança les foudres de l’excommunication sur Thomas. Mais cette arme si terrible alors contre d’autres, s’émoussa contre lui. L’approche, de la mort put seule le déterminer, deux ans après, à relâcher ses prisonniers et à accorder une satisfaction au chapitre de Laon et aux habitants de Tavaux.

Bien que Thomas de Marle ait légué à l’histoire un nom justement chargé de l’exécration de ses contemporains, la plupart des historiens ne l’ont pas moins décoré du titre de législateur, en lui attribuant une charte communale qui aurait été concédée aux habitants de Vervins, vers l’année 1118. L’erreur de ces écrivains est manifeste. Indépendamment de ce qu’il ne se trouve aucune trace de cette charte, et que celles de Raoul Ier et de Thomas II n’en font aucune mention, le caractère de Thomas de Marle, tel que nous le représente l’histoire, ne permet guère de croire que ce seigneur ait jamais été favorable à l’affranchissement des habitants de ses domaines. D’ailleurs, cette charte était, dit-on, écrite en français : or, on ne connaît aucun acte public de cette date écrit dans cette langue, et la charte de Raoul Ier, postérieure de près de cinquante ans à la prétendue charte de Thomas de Marle, est elle-même en latin, ce qui nous semble une forte présomption contre l’existence de la première.

On nous opposerait en vain ces expressions de la charte de 1163 : Has consuetudines … tam ego quàm predecessores mei buryensibus de Vervino conceisimus … On sait, en effet, que bien avant de voir leurs droits consacrés par un acte authentique, les bourgeois des villes jouissaient traditionnellement de certains usages, de certaines franchises concédés à leurs aïeux par les seigneurs. Le texte entier de cette charte prouve clairement, à nos yeux, que les habitants de Vervins étaient ainsi, au moment de sa promulgation, en possession de certains droits parmi lesquels plusieurs pouvaient être dus à la libéralité de Thomas de Marle ; mais de la concession de certaines franchises, concession arrachée par les exigences du moment, à l’octroi d’une charte complète d’affranchissement communal, il y a loin ; et, nous le répétons, le caractère comme la vie de ce seigneur ne permettent guère de supposer en lui un législateur.

Par toutes ces raisons, nous nous croyons fondés à supposer que les écrivains auront pris Thomas de Marle pour Thomas II de Coucy, lequel, en 1238, refit et augmenta la charte octroyée aux habitants de Vervins par son père, circonstance ignorée jusqu’ici. Thomas II de Coucy publia la sienne en français ; cette pièce est donc en réalité l’un des plus anciens monuments de la langue nationale ; car on sait que les actes publics ne commencèrent à être écrits en français qu’entre les années 1250 à 1260.

Quoi qu’il en soit, la charte des libertés communales octroyées à la ville de Vervins par Thomas II de Coucy, se distingue de toutes les pièces de ce genre par le petit nombre de ses concessions et son esprit peu libéral. Aussi, ne parait-elle guère mériter les éloges exagérés que certains écrivains se sont plus à prodiguer à son prétendu auteur, Thomas de Marle.

église de Vervins

Église de Vervins (Notre Dame de nos jours)

Quant à la première charte de Vervins, celle octroyée en 1163 par Raoul de Vervins, comme elle a été plusieurs fois imprimée, nous croyons inutile d’en reproduire ici le texte; nous nous contenterons d’en présenter une analyse.

La charte de Raoul fixe d’abord le droit de terrage sur tout le territoire de Vervins, à la seizième gerbe, excepté pour la terre des agneaux, où elle devait être à la onzième gerbe.

Ce seigneur accorde ensuite aux habitants le droit d’usage dans ses bois, celui de couper chaque année, pendant un jour et avec une faux, l’herbe dans ses prés, moyennant un denier (pro nummo) de redevance, et enfin celui de chasse sur tout le terroir, sous la réserve, à son profit, de la quatrième part du cerf et du sanglier.

Tout étranger connu des bourgeois pouvait librement circuler dans l’étendue du territoire de Vervins, s’il lui était possible de justifier de la cause de sa présence.

Les habitants devaient contribuer de leurs deniers au rachat de leur seigneur ou de son fils, s’ils venaient l’un ou l’autre à être faits prisonniers.

Le seigneur pouvait les conduire à la guerre ou les appeler à sa défense ; mais ils n’étaient tenus de se défrayer eux-mêmes que le premier jour et la première nuit.

Dans le jugement des simples délits, le serment, auquel on avait alors une grande confiance, jouait aussi un grand rôle. Ainsi, dans l’accusation d’avoir fait couler le sang, il suffisait, pour renvoyer absous l’accusé, de son propre serment et de celui de six témoins, et seulement de trois serments s’il n’y avait pas eu effusion de sang.

Dans le cas de contestation réciproque, les deux parties devaient fournir un gage jusqu’au jugement de la cause.

Pour le fait d’injures, on était passible d’une amende de deux sous au profit de l’injurié, et de douze deniers à celui du lieutenant du seigneur ; mais l’accusé avait encore le droit de nier par serment, et l’accusateur devait se défendre par trois sermons.

Chacun avait le droit d’établir un four et un moulin à bras ou à cheval sans rien payer au seigneur ; mais l’aubergiste lui devait quatre mesures de cervoise (bière), et deux au curé.

Au bout d’un an et un jour de possession, la propriété d’une terre ne pouvait plus être contestée, si le propriétaire avait le témoignage de deux échevins ; dans le cas contraire, il était tenu à sept serments.

En cas de vente d’une maison, il était dû par le vendeur et l’acheteur, savoir : chacun quatre deniers au seigneur et deux à son lieutenant.

La femme qui perdait son mari, qu’elle en ait eu ou non des enfants, devait quatre deniers au seigneur.

Chacun avait le droit de quitter la ville pour aller s’établir ailleurs, et le serf étranger, après un séjour d’un an et un jour, devenait libre s’il n’avait point été réclamé.

Les biens de ceux qui mouraient sans héritiers connus, restaient en dépôt pendant un an et un jour, pour être restitués à celui qui pouvait prouver en être véritablement héritier. Mais au bout de ce terme, la moitié en appartenait au seigneur, et l’autre moitié à l’église.

Nul ne pouvait prendre lui-même ce qui lui était dû ni exiger qu’on lui fit crédit, excepté le seigneur ; encore le crédit que celui-ci pouvait demander ne devait-il pas avoir rapport à d’autres choses que le pain, le vin ou la viande, et ne pas dépasser quinze sous pour des personnes riches, trois sous pour des gens médiocrement riches, et douze deniers pour des pauvres.

Celui accusé d’un crime pouvait se purger par sept serments, s’il ne voulait pas se défendre ; s’il ne le pouvait, il devait être maudit, suspendu et condamné suivant le jugement.

Chaque mesure de boisson, de froment et de légumes devait payer quatre deniers à son entrée dans la ville.

Enfin cette charte établit sept échevins pour rendre la justice dans l’étendue du terroir de Vervins, lesquels, à la mort de l’un d’entre eux, devaient se compléter par un homme de leur choix.

La charte de Raoul, comme on le voit dans cette simple analyse, était loin de présenter la somme de garanties et de franchises qu’on trouve dans d’autres actes de ce genre, par exemple, dans la charte communale de Laon. Aussi, son texte rapproché de celui des autres chartes concédées par les seigneurs de Coucy que nous avons déjà fait connaître, et même de celui de la charte de Thomas II, montre qu’un esprit d’équité et de justice n’a point poussé les puissants seigneurs de Coucy à faire ces concessions, mais qu’elles leur ont été arrachées par la marche du temps et la force des circonstances.

Telles sont les franchises accordées par Thomas II de Coucy à la ville de Vervins. Les habitants en jouirent jusqu’en 1553, époque où ils se virent obligés de se conformer à la coutume générale du Vermandois, pour ne pas s’être présentés devant les commissaires chargés de rédiger ces dernières coutumes.

Thomas II était le second fils de Raoul Ier, sire de Coucy, qui fut tué en 1191, au siège de Saint-Jean-d’Acre, en Palestine. En héritant des seigneuries de Vervins, Fontaine et Landouzy, il était devenu, comme nous l’avons dit, la souche d’une seconde branche de Coucy qui se perpétua longtemps après l’extinction de la première.

Quinzième siècle

Durant la guerre civile allumée au XVe siècle par les prétentions réciproques du duc d’Orléans et des oncles du roi Charles VI, Vervins embrassa le parti du duc de Bourgogne. Mais les Orléanais songèrent bientôt à rentrer en possession de cette ville, et ils s’en rendirent maîtres, en effet, au moyen d’un stratagème qui leur réussit complètement. Un boucher chassé de la ville pour sa mauvaise conduite la leur livra. Après avoir caché pendant la nuit un détachement de soldats Orléanais près d’une des portes de Vervins, il entra seul dans la ville, et s’introduisit chez l’officier chargé du dépôt des clefs : il parvint à s’en emparer et courut ouvrir la porte au détachement ennemi. Pendant trois jours, Vervins fut livré au pillage, et les habitants se virent en butte à toute la brutalité d’une soldatesque effrénée.

Renaud de Coucy, alors seigneur de Vervins, se trouvait en ce moment auprès du duc de Bourgogne. En apprenant la nouvelle de la prise de cette ville, il accourt en toute hâte, attroupe les paysans de ses domaines, rassemble les hommes des communes voisines, et aide du grand bailli du Vermandois, il investit Vervins. Au bout de plusieurs jours d’une vigoureuse défense, les Orléanais se voyant sur le point d’être forcés, songèrent à abandonner la ville. Ils profitèrent de l’instant où les Bourguignons négligeaient la garde et prenaient leur repas, pour en ouvrir tout-à-coup les portes et s’échapper en désordre dans la campagne ; mais, poursuivis à outrance, ils furent pour la plupart massacrés, et quarante d’entre eux faits prisonniers. Les simples hommes d’armes furent pendus sans miséricorde ; on conduisit les chefs à Laon, pour y être décapités.

Le seigneur de Vervins était à peine rentré dans la ville et les troupes du roi dispersées, que les gens de Clugnet de Brabant, sous la conduite d’un nommé Millet, s’emparèrent par surprise du château de Gercy, situé à une faible distance de Vervins. A la première nouvelle de cette audacieuse entreprise, le bailli du Vermandois rassembla de nouveau les milices des communes, se joignit à Renaud de Coucy et aux autres seigneurs des environs, et vint à leur tête mettre le siège devant le château de Gercy. Il ne tarda pas à l’emporter d’assaut et en fit la garnison prisonnière. Symon de Clermont, qui y commandait, Millet et les autres chefs furent conduits à Laon et mis à mort.

Seizième siècle

En 1552, le comte de Bœux, à la tête de quarante compagnies d’infanterie et de deux mille chevaux, s’empara de Vervins, l’abandonna au pillage et y mit le feu. Cette ville fut entièrement consumée par les flammes, qui n’épargnèrent qu’une seule maison. Elle n’avait point encore réparé ses pertes, lorsque cinq ans après l’armée espagnole la livra de nouveau au feu et au pillage.

C’est vers ce temps que se répandirent dans la Picardie les doctrines de Calvin. Dès les premiers moments, les catholiques songèrent à arrêter les progrès de la nouvelle doctrine, et le moyen qu’ils employèrent, ce fut d’opposer des miracles aux prédications de ces sectaires.

Il y avait alors à Vervins une jeune femme nommée Nicole Aulny d’un caractère faible, superstitieux et mélancolique. Elle avait été élevée au monastère de Montreuil-en-Thiérache, et en était sortie à l’âge de dix-sept ans, pour épouser un tailleur.

Un soir qu’agenouillée au milieu de l’église, elle priait sur le tombeau de son aïeul, elle vit tout-à-coup un fantôme couvert d’un linceul se dresser devant elle. Le spectre lui adressant la parole, lui dit qu’il était son grand-père et lui demanda des prières pour le délivrer du purgatoire où le retenait l’inaccomplissement d’un certain vœu. Cette vision, qui se renouvela plusieurs fois, remplit Nicole de terreurs, et la rendit malade. Ses parents recoururent d’abord au médecin ; mais voyant l’inutilité des secours de l’art, ils la crurent possédée du diable et résolurent de s’adresser à l’église pour obtenir sa guérison.

Le 20 novembre 1565, des ecclésiastiques procédèrent à l’exorcisme de Nicole. Après plusieurs jours d’inutiles efforts, un jacobin de Vailly vint à leur aide. Pendant plus d’un mois il continua les conjurations ; mais il ne put obtenir du diable qui parlait par la bouche de Nicole, que des injures contre le Saint-Sacrement, et des menaces contre les protestants. Alors Jean de Bourg, évêque de Laon, se rendit à Vervins pour procéder lui-même à l’exorcisme de la possédée, et après quelques jours de tentatives également infructueuses on résolût de l’amener à Laon.

Dans cette ville, les cérémonies recommencèrent de nouveau avec beaucoup d’activité, au milieu de l’église cathédrale, et en présence d’une foule immense accourue de tous les points du pays. Tout cela dura près d’un mois encore, au bout duquel le lieutenant civil craignant pour la tranquillité publique, fit arrêter et conduire la démoniaque dans la tour du roi.

Cependant, sur les instances du clergé, elle fut relâchée quelques jours après. On la reconduisit alors à l’église où les conjurations recommencèrent. Enfin, le démon s’échappa du corps de Nicole au milieu d’une violente explosion. Au bout de quelque temps elle se retira de Laon, et après avoir erré d’un côté et d’autre, elle mourut dans l’obscurité,.

En 1569, des contestations s’élevèrent entre les habitants de Venins et Jacques II, alors seigneur de cette ville, relativement aux droits et immunités de chacun. Une transaction, qui n’est autre chose qu’un remaniement des chartes communales de 1165 et 1238, mit fin à ces démêlés, en 1573.

Cet acte, établissait quatre échevins dans la ville de Vervins, lesquels étaient renouvelés par moitié tous les deux ans, ils devaient assister le bailli dans les causes civiles entre les habitants, et pouvaient le remplacer au besoin. Le droit de haute justice était réservé au bailli du seigneur.

Il instituait en même temps un conseil-de police composé du bailli, du procureur d’office, du capitaine, du gouverneur et du greffier, assistés de deux échevins et de quatre habitants. Ce conseil, s’assemblait tous les quinze jours.

Un conseil de ville était également créé. Il se composait des officiers précédents auxquels devaient être adjoints six habitants élus chaque, année. Un gouverneur de ville (maire) devait être également élu tous les trois ans parmi les plus notables. Il ne pouvait, refuser ces fonctions et devait rendre compte de sa gestion devant le bailli. Enfin, trois marguilliers et gens capables devaient encore être nommés par les habitants pour gouverner les biens et revenus de l’église de Vervins.

Dans le cas où les seigneurs de Vervins seraient faits prisonniers à la guerre, les habitants étaient tenus de payer pour sa rançon une somme qui ne pouvait excéder cent écus.

Ledit seigneur abandonnait le droit de lods et ventes sur le terroir de Vervins, excepté contre les détenteurs d’héritages donnés par lui ou ses prédécesseurs à charge de redevance.

Les habitants lui cédaient six muids d’usage et pâturage. A son tour, il abolit le droit de tonlieu, se réservant seulement le droit de péage sur les marchandises exposées en vente les jours de foire.

Les habitants devaient payer audit seigneur chacun une redevance annuelle de douze deniers tournois, sous peine ; de deux sons parisis d’amende. Les veuves payant moins de cinq sous tournois de taille au roi, étaient taxées seulement à six deniers.

Chacun était tenu de faire le serment de fidélité au seigneur. Les étrangers porteurs d’un certificat de bonnes vie et mœurs pouvaient s’établir dans la ville et jouir de ses franchises, après avoir toutefois prêté serment de fidélité entre les mains du bailli.

Le seigneur de Vervins avait toute justice haute, moyenne et basse dans la ville. Elle était exercée par son bailli assisté des échevins. I1 se réservait la banalité des moulins et des usines de draps dans la ville. Le vendeur et l’acquéreur d’un héritage étaient tenus de lui payer chacun six deniers tournois. Chaque chariot de vin lui devait quatre pots, et chaque charrette deux pots. Les débitants de cette boisson devaient également le droit de rouage, et les marchands en gros douze deniers tournois par pièce de vin ; plus le droit d’afforage de douze deniers par pièce, celui de gambage qui était de seize pots de bière par brassiu. Il se réservait encore le droit sur les étaux des bouchers, cordonniers et drapiers forains qui venaient vendre les jours de foire.

Le seigneur de Coucy se réservait aussi tout droit de chasse sur toute espèce de gibier et bêtes rousses, noires et autres. Il était dépositaire des étalons de mesures, aunes, quartels et poids à peser, et nul ne pouvait vendre avec des mesuras qui ne fussent étalonnées et marquées.

Enfin, les habitants avaient le droit d’établir un beffroi sur la maison de ville pour y mettre l’horloge.

En 1598, les rois de France et d’Espagne, fatigués des longues luttes qui épuisaient leurs royaumes, ouvrirent des conférences à Vervins pour arriver à une paix définitive. Après plus de deux mois de vifs débats, elle fut conclue le 2 mai, grâce à la sagesse et à l’habileté de M. Pomponne de Bellièvre, l’un des négociateurs. Elle fut très-avantageuse à la France : les Espagnols s’engagèrent à rendre les villes de Calais, Ardres, Dourlens, le Câtelet, La Capelle et autres places qu’ils occupaient dans la Picardie.

maison dite villa des Papillons

maison dite villa des Papillons

Dix septième siècle

Cependant la guerre se ralluma en 1635 avec l’Espagne, et la frontière de lu province de ce côté devint aussitôt le théâtre des hostilités. L’année suivante, deux armées ennemies entrèrent à la fois dans la Thiérache. L’une se porta sur La Capelle, et après s’en être emparée le 6 juillet, se présenta devant Vervins, qui capitula et lui fournit des vivres. Quatre ans après, un soldat des troupes du roi qui se trouvaient à Vervins, ayant mis par imprudence le feu au toit d’une maison, la ville courut les plus grands dangers.

En 1650, les Espagnols appelés par les mécontents, entrèrent de nouveau en France et s’emparèrent de plusieurs places de la Thiérache, au nombre desquelles était Vervins. Le prince de Wurtemberg, commandant des troupes ennemies, exigea que la ville reçût une garnison et payât une somme de 20,000 livres pour être préservée du pillage. L’année suivante, au mois de mai, le marquis de Castelnau la reprit an nom du roi. Mais le 22 octobre, les Espagnols, au nombre de 3,500 hommes d’infanterie et de 400 chevaux, avec trois pièces de canon, se présentèrent inopinément sous les murs de cette ville et s’emparèrent de plusieurs ouvrages avancés. Ils firent ensuite sommer les habitants de se rendre; mais ceux-ci s’y étant refusés, une batterie fut dressée contre les murs de la ville. Les habitants ripostèrent vigoureusement du haut des murs.

Cependant le lendemain il y avait une brèche praticable; mais les Vervinois la réparèrent malgré le feu des ennemis. Enfin, le 24, les Espagnols voyant leur coup de main manqué, se retirèrent en livrant aux flammes les faubourgs de Vervins.

Le 14 janvier 1653, les Espagnols se présentèrent de nouveau devant cette ville. Ils recommencèrent aussitôt l’attaque, et comme la première fois, les habitants se défendirent avec courage. Mais le quatrième jour, les vivres étant venus à manquer dans la ville, on fut obligé de se rendre. A la fin du mois, Turenne arriva avec de nombreuses troupes pour la reprendre ; trois jours après, il entrait dans la place.

En 1692, Louis XIV érigea la mairie de Vervins, comme toutes celles du royaume, en titre d’office : le maire prît le nom de conseiller du roi avec gages de la finance ; sa charge devint héréditaire. Le même édit créa aussi des assesseurs en la mairie, également en titre d’office héréditaire. La nomination des échevins resta seule aux habitants. Ces droits furent encore restreints en 1704 ; la nomination du deuxième et du quatrième échevin fut seule laissée aux citoyens ; ils ne rentrèrent dans leurs anciens droits qu’en 1718, après la mort de Louis XIV.

Le tremblement de terre du 18 septembre 1692, se fit également ressentir à Vervins. On remarqua que pendant la commotion, les bénitiers placés dans l’église de cette dernière ville versèrent leurs eaux en partie vers le sud et en partie vers le nord.

Dix huitième siècle

Au mois de juin 1742, un partisan hollandais, nommé Growestein, se présenta sous les murs de-Vervins à la tête de 5000 chevaux, et imposa à la ville une contribution de 25,000 livres. Les habitants y réduits à leur seule force, se virent contraints de céder à sa demande pour épargner à leur ville de plus grands malheurs.

En 1759 et 1763, Vervins eut à souffrir de deux incendies successifs : le premier dévora 17 maisons ; le second en détruisit soixante-dix avec 9 granges, 6 écuries et 6 tanneries.

Il y avait à cette époque à Vervins six compagnies bourgeoises, fortes chacune de vingt-cinq hommes, et une compagnie de la jeunesse, d’environ cinquante hommes. La population de la ville s’élevait à 2,000 âmes.

La Révolution française, en changeant la circonscription territoriale du royaume, fit éclater de vifs démêlés entre les villes de Vervins et de Guise, jalouses l’une et l’autre de devenir le chef-lieu du cinquième district du département de l’Aisne. Les électeurs ayant porté leur choix sur Vervins, furent aussitôt en butte aux violences des habitants de Guise, humiliés devoir leurs rivaux l’emporter sur eux. Les habitants de Vervins et des communes voisines, indignés de ces excès s’armèrent à la hâte et se portèrent en masse sur Guise, dans le dessein de venger les électeurs ; heureusement que des personnes sages parvinrent à calmer l’effervescence des deux partis, et qui menaçait de causer des malheurs irréparables.

Des troubles occasionnés par les évènements politiques ne tardèrent pas à éclater dans le district de Vervins. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1790, une bande composée de 6 à 7000 hommes armés parut tout-à-coup aux environs de Ribemont, mettant le feu aux maisons et aux meules de blé élevées dans les champs. Les habitants, réveillés en sursaut à la nouvelle de cet évènement, se croyant menacés par ce rassemblement, illuminèrent leurs maisons, car la nuit était fort obscure, et se préparèrent à la défense. La garde nationale se rassembla ; quatre pièces de canon furent mises en batterie à la porte de Marle et à celle de La Capelle ; on se hâta de les charger ; mais l’inexpérience de ces artilleurs improvisés occasionna un malheur : l’une d’elles partit tout-à-coup et cinq gardes nationaux tombèrent mutilés par l’explosion.

Quinze jours après, Vervins fut le théâtre d’une insurrection causée par l’importation des blés dans l’intérieur. Les efforts des magistrats municipaux, secondés par la garde nationale, parvinrent promptement à rétablir l’ordre.

La misère était devenue excessive : un recensement opéré au mois d’octobre suivant constata que sur 87475 individus dont se composait la population du district de Vervins, il y avait 40000 nécessiteux.

Au mois d’octobre de cette année 1792, la ville de Vervins demanda la création d’un tribunal de commerce dans son sein, en se fondant sur les considérations suivantes :

La moitié de sa population était occupée à la fabrication de bonneterie ; le commerce des toiles-batistes employait une partie des bras dans les communes de son ressort ; le canton d’Aubentou se livrait à la filature des étoffes en laine ; on fabriquait de grosses toiles dans les environs de Plomion ; le retordage des fils de dentelle occupait le canton du Nouvion ; trois papeteries, des forges et des verreries étaient en activité sur son terroir ; il s’y tenait des marchés considérables de bois ; enfin, la fabrication des panière à Origny commençait à prendre une certaine importance. Ces raisons déterminèrent le gouvernement à accorder à la ville de Vervins le tribunal consulaire qu’elle demandait.

La constitution civile du clergé, décrétée cette année par l’Assemblée nationale, ne causa pas de trouble dans cette ville, car elle ne possédait aucune maison religieuse, et son clergé régulier était peu nombreux. Tous les ecclésiastiques se conformèrent aux prescriptions de la loi ; un seul d’entre eux, le sieur Joffet, curé de Notre-Dame, ayant prêté un serment restrictif, fut destitué. La résistance fut plus grande dans les communes voisines : les curés de Gronard, Prisces, Voulpaix, Saint-Pierre, Nampcelle, Plomion, Jeantes, Buironfosse, Aubenton, Bernoville, Marly, Autreppe, Saint-Algis et Luzoir, prêtèrent un serment inconstitutionnel, et furent destitués. La même peine et une dénonciation aux tribunaux frappèrent les trois curés de Fontaine-lès-Vervins, de Tupigny et de Tavaux, qui avaient rétracté leur serment. Enfin, quinze antres curés du même district furent encore destitués et traduits devant les tribunaux pour refus de reconnaître le nouvel, évêque constitutionnel du département.

Pendant l’invasion momentanée du territoire français par l’ennemi, au mois de septembre 1795, la garde nationale de Vervins fournit au général Jourdan des détachements qui combattirent dans les rangs de l’armée française. L’année suivante, au mois d’avril, cette même garde nationale, mobilisée de nouveau, prit encore une pare active et honorable aux travaux du siège de Landrecies.

Pendant les évènements de septembre 1793, il s’était formé à Vervins, sur les ordres des représentants du peuple, un comité de correspondance et agence secrète composé de quatre membres. Les fonctions de ce comité consistaient, comme l’indique son nom, à correspondre secrètement avec les représentants du peuple et à leur dénoncer tous les faits qui venaient à sa connaissance. Son existence fut de courte durée : il dénonça, le 12 brumaire an 2, les sieurs Copigneau, d’Estrées-au-Pont, Hollande et Rohaut, de La Gapelle, comme coupables de s’être emparés de chevaux de troupe en dressant un faux procès-verbal de la mort de ces animaux.

La disette occasionna de graves désordres à Vervins dans le mois de janvier 1795, et la ville se vit dans la nécessité d’emprunter 30000 francs à l’administration du district, pour acheter des grains qu’on eut toutes les peines du monde à, faire conduire dans cette ville. Cela, n’empêcha pas le prix du pain, d’augmenter rapidement et de s’élever à un prix exorbitant. De 10 sous la, livre qu’il se vendait au mois de janvier, il s’éleva, à la fin, de mai, à 50 sous. La tranquillité publique en fut gravement troublée : le 30 mai, des rassemblements armés se formèrent dans les faubourgs, annonçant hautement l’intention de piller les magasins de la ville; mais l’autorité parvint à étouffer l’insurrection en faisant arrêter les instigateurs de ces troubles. Un secours en grains accorde peu de temps après à la ville de Vervins par le gouvernement, ôta tout prétexte à de nouveaux désordres.

Aucun évènement important ne signala à Vervins l’époque impériale. Un débordement du ruisseau de Cher-Temps , occasionné par un violent orage, causa d’assez grands dégâts dans les faubourgs de Martinet et de l’Hôtel-Dieu, au mois de mai 1800. L’année suivante, un incendie détruisit vingt maisons dans le faubourg de l’Hôpital.

Dix neuvième siècle

Occupé deux fois par les alliés en 1814 et 1815, Vervins eut à supporter pour plus de 750,000 francs de contributions de guerre. L’hôtel-Dieu de cette ville date, à ce qu’il paraît, du XVIe siècle. En 1695, Louis XIV lui réunit les maladreries de Prisées, Plomion, Luppion, Sainte-Croix, Sissonne, Neufchatel et Nizy-le-Comte, à la charge de satisfaire aux services de fondation dont ces maisons étaient tenues, et de recevoir leurs malades en proportion des revenus unis. Cet hospice contient seize lits ; ses revenus sont d’environ 9000 francs.

On ignore l’époque de la fondation du collège de Vervins ; mais il paraît qu’il existait déjà au milieu du XVIe siècle. Il est aujourd’hui dirigé par un principal et quatre ou cinq professeurs.

Des fabriques de drap existaient à Vervins dès le XVIe siècle. Vervins est la patrie de Gobert Aleaume, abbé de Thenailles, mort en 1522 ; de Jacques Ier de Coucy, lieutenant-général de Picardie, maréchal de France et chevalier des ordres du roi, décapité en 1559 pour avoir rendu Boulogne aux Anglais ; de Jean de Coucy, protonotaire de Rome, abbé commendataire de Bonne Fontaine, mort en 1584 ; de Renaud Ier de Coucy, surintendant des finances sous Charles VI, l’un des plus valeureux capitaines de son temps, mort en 1157 ; de Thomas III de Coucy, grand sénéchal de Philippe-le-Hardi, qui se fit remarquer par son intrépidité à la bataille de Bénévent, en 1268, mort huit ans après ; de Jean Debry, fameux conventionnel, mort en 1858 ; de Nicolas Grinbert, évêque de Soissons au XVe siècle, mort en 1425 ; de Louis-Godefroy-Henri Launois, qui se distingua dans la guerre d’Amérique et parvint au grade de maréchal-de-camp ; enfin, de Marc Lescarbot, auteur d’une histoire curieuse de la Nouvelle France, mort en 1634.

Par Maximilien Melleville.

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