Publication gratuite d'articles

Les heureux succès de sa Majesté en son voyage de Normandie

Publi du jeudi 4 avril 2013
Partager :
Vous avez aimé ? NulBof bofMitigéPas malBien
(3 vote(s) | 3,67/5)
Côtes de Normandie

L’hercule triomphant ou les heureux succès de sa Majesté en son voyage de Normandie.

Il arrive souvent que l’Air se charge de nuages, et que la Terre et la Mer envoient une si grande quantité de vapeurs, qu’elles nous empêchent de voir la beauté de cette grande voûte céleste, qui semble avoir été peinte d’azur, et parsemée de diamants, pour servir de couverture à la Terre, et comme de dais au Monarque de l’Univers.

Ainsi les grands États sont sujets à voir parfois leur tranquillité altérée, et leur sérénité couverte de brouillards, par les factions des mal-contents, et par les intrigues des mauvais sujets. Mais comme la venue du Soleil chasse les mauvais esprits, écarte les nuages, et ramène le beau temps ; ainsi la présence du Roi éloigne tous les méchants, dissipe leurs conseils, et ruine leurs pratiques.
Cela se voit maintenant dans la Province de Normandie, où sa Majesté n’est pas plutôt arrivée que comme l’Astre du jour, elle remplit les esprits de joie et d’espérance, console les affligés, soutient les chancelants, et affermit ceux qui sont debout. Elle calme l’orage qui semblait menacer ce pays, elle écarte incontinent toutes les apparences de brouillerie, et dissipe en un moment tout ce qui semblait se préparer au trouble ou à la désobéissance, de sorte que par le seul aspect de son visage, elle a remis le calme et la tranquillité partout son Etat.

Si les Anciens ont admiré Hercule pour avoir dès le berceau étouffé les Serpents de Iunon, pour avoir combattu le Géant Anthée, surmonté Gerion à trois corps, dompté le fleuve Achelous, coupé les têtes renaissantes à l’Hydre de Lerne, tué le Sanglier d’Erimanthe, triomphé du Lion de Nemée, terrassé Cerbere dans les Enfers, et fait les belles actions qui portèrent l’Antiquité à l’adoration de sa Vertu et à la vénération de son mérite.

Combien plus le peuple Français doit-il admirer aujourd’hui les triomphes de son Roi, et louer les vertus héroïques de son Prince ? qui dans les premières années de son âge, non seulement a imité les actions valeureuses de ce grand Héros, mais qui les a autant surpassées, qu’il y a d’éloignement entre l’ombre et le corps, et de distance entre la Fable et l’Histoire, la figure et la Vérité.

Quelle comparaison y a-t-il des actions singulières de cet Hercule fabuleux, à celles de notre vrai Hercule Français ? qui n’est pas si tôt sur le Trône, qu’il triomphe du Lion de Castille, qu’il combat avantageusement le redoutable Géant d’Allemagne, qu’il surmonte les Achelous de la Comté de Flandres, et les Sangliers d’Artois, qu’il coupe les têtes de l’Hydre des révoltes, qu’il vient à bout du Gerion à trois corps, enfin obtient tant de victoires sur ses Ennemis dans l’Allemagne, la Flandres, l’Italie, la Catalogne, et dans tous les autres endroits où il a voulu porter ses Armes, qu’il est aussi difficile de dépeindre le nombre des trophées qu’il en a recueillis, qu’il est malaisé de raconter les batailles que les Prédécesseurs ont gagnées, et les palmes dont ils ont été couronnés.

Le Soleil n’éclaire pas seulement l’étendue des airs, il ne fait pas seulement sentir la chaleur de ses rayons à la superficie de notre Globe, pour faire produire les Plantes, et réjouir les animaux, mais il fait aussi paraître ses influences dans les entrailles de la terre, et il fait connaître sa vertu dans la génération des métaux, des minéraux et pierres précieuses, dont la production est autant admirable, que les moyens nous en sont inconnus et secrets.

La Normandie n’est pas seule où le Monarque de la France fait paraître son autorité, fait connaître sa puissance, et fait admirer sa bonté. Elle ne se peut pas vanter d’avoir produit toute seule des fruits d’obéissance envers son Prince, et d’avoir montré des témoignages de respect envers son Roi. Les autres Provinces bien qu’elles n’aient pas eu l’honneur de jouir de sa présence, lui ont non seulement rendu leurs devoirs accoutumés, mais dans cette conjoncture se sont comme efforcées de lui montrer de nouvelles preuves de leur fidélité, et de lui faire voir de nouveaux effets de leurs soumissions respectueuses.

Côtes de Normandie

Côtes de Normandie

Mais sur toutes est remarquable l’action de la garnison de Danuilliers, laquelle ne pouvant souffrir plus longtemps de se voir privée des ordres de sa Majesté, par la mauvaise affection de ses Supérieurs qui la voulaient détacher de son obéissance, pour l’embrouiller dans un parti contraire, elle franchit généreusement tous les obstacles qui s’opposaient à son obéissance, Elle surmonte courageusement toutes les difficultés qui l’empêchaient qu’elle ne rendit ses devoirs à son Prince, se saisissant de ses principaux Officiers, elle manifeste clairement en se rendant au Roi, que sa fidélité a toujours été inviolable, et que son coeur ne s’est jamais détourné de la passion qu’il doit avoir pour son service.
Mais comme Philippe de Macedoine reçut un jour plusieurs bonnes nouvelles, ce bonheur n’a pas été seul, à peine avons-nous appris la remise de Danuilliers à l’obéissance de sa Majesté, que l’on nous vient assurer de la prise de Clermont, par Monsieur de la Ferté Seneterre, qui est un service aussi considérable qu’il s’en peut rendre à présent, à raison de l’importance de la place qui est des plus fortes de nos frontières, et l’une de celles que Monsieur le Prince considère le plus, n’en ayant voulu confier le gouvernement à d’autres qu’au Marquis de la Moussaye son favori.

Il ne reste plus que Stenay, qui sans doute suivra le train des autres, et l’on doit s’assurer que le bonheur qui accompagne notre jeune Hercule, sera bientôt ou que les Seigneurs qui y sont, viendront lui rendre l’hommage qu’ils lui doivent par leur naissance, ou qu’ils sentiront à leur dommage, qu’il ne prit jamais bien à des Sujets de résister aux volontés de leurs Souverains.
Tous les bons Français doivent souhaiter qu’ils rentrent en leur devoir, et prier Dieu qu’il leur touche le coeur, de sorte qu’en venant se soumettre au Roi, ils puissent recevoir de Sa Majesté les grâces qu’ils doivent raisonnablement attendre de sa bonté, et les emplois légitimes qu’ils peuvent espérer de sa libéralité, afin que tous ensemble s’acquittant de ce qu’ils doivent à leur Prince, ils travaillent également pour la gloire de sa Couronne, et pour l’augmentation de leur propre fortune.

C’est maintenant que nos voisins sont jaloux de notre bonheur, qu’ils envient notre félicité, et qu’ils regardent avec déplaisir le calme qui suit l’orage, et la tranquillité qui succède à la tempête. Les ennemis crèvent de dépit de voir toutes les espérances qu’ils avaient de profiter de nos désordres, mourir dans le moment de leur naissance, et ils enragent maintenant de reconnaître que tous leurs artifices sont inutiles pour ébranler cet Etat, et que leurs machines sont trop faibles pour en faire crouler les fondements.

Ils ont fait ce qu’ils ont pu pour débaucher les sujets du Roi, mais toutes leurs pratiques ont été inutiles, ils sont demeurés dans l’obéissance. Ils ont fomentés nos troubles, et taché de mettre la guerre dans l’Etat : mais ç’a été en vain, car toutes nos Provinces se sont remises comme d’elles-mêmes dans le devoir, et enfin la Paix qui se voit par tout le Royaume, manifeste clairement, que la même Providence qui a conservé la France depuis tant de siècles, la garantira toujours de tous les efforts que la jalousie ou la malice de ses ennemis pourraient faire, pour en traverser le bonheur ou en renverser la félicité.

C’est donc maintenant qu’il faut que tous les bons Français se réjouissent de voir le calme remis dans l’Etat, c’est maintenant qu’il faut qu’ils fassent retentir les Temples de voeux et de louanges, pour remercier Dieu, des grâces qu’il leur fait, et pour reconnaissance des faveurs qu’il leur distribue. L’Orage n’est pas si tôt levé, qu’il est apaisé ; leurs appréhensions ne sont pas si tôt formées dans leurs Ames, qu’elles s’évanouissent, et toutes leurs craintes se perdent à l’arrivée de leur Roi, qui remplit leurs coeurs de joie, et leurs esprits de consolation.

Rejouis-toi Paris, et te console, maintenant que voici ton Roi qui te revient visiter, son absence t’avait rempli de tristesse, et couvert de deuil, sa présence te remplira de joie, et t’enrichira de magnificences et de gloire : l’Abondance qui marche à sa suite, fournira plus que jamais la matière de tes délices, la Justice qui l’accompagne, te rendra les biens qui t’appartiennent ; et la force qui l’environne, affermira plus que jamais les Colonnes de ta paix ; et enfin sa venue te donnera l’accomplissement de tes souhaits les plus attendus et la jouissance de tes désirs les plus passionnés.

Prépare-toi donc à recevoir un si grand Monarque, revêts-toi d’habits pompeux et magnifiques, que l’éclat de ta suite soit sortable à la grandeur de ta condition, et à la Majesté de celui qui vient chez toi. Qu’il n’y ait rien de bas ni de vulgaire, mais que tout ton appareil soit si riche, et si éclatant, qu’il fasse voir également les transports de ton affection, et la gloire de ta magnificence.

C’est ici qu’il faut que tu déplies tes Trésors, que tu étales tes pierreries et que tu saches montre de ton or et de ton argent. Que les tapisseries bordent tes rues, et que les Arcs triomphaux couvrent tes portes et tes cantons. Que tes meilleurs Architectes dressent cent belles décorations : que tes plus excellents Peintres représentent les Trophées partout, et que tes plus beaux esprits composent cent mille Eloges à ce glorieux Triomphant. Que l’air retentisse des acclamations de tes peuples, et que leurs voix mêlées avec les tons de ces machines branlantes qui sont suspendues dans nos clochers, fassent un concert si puissant, et forment une mélodie si éclatante, qu’elle porte les témoignages de ta joie jusque dedans les Cieux. Et enfin montre aux yeux d’un chacun, que comme ton Roi est le plus glorieux Monarque du monde, tu es aussi la plus riche et la plus belle ville de l’Univers.

Que ta Noblesse sorte en Corps au-devant de son Prince, qu’elle se fasse voir richement vêtue et superbement montée sur des Barbes pratiquer dans ses cavalcades les belles leçons qu’elle apprend dans tes nobles Académies. Que ta Bourgeoisie paraisse sous ses Enseignes, et faisant haie des deux côtés de son chemin, fasse voir à ton Roi, qu’il se peut assurer d’avoir autant de soldats qu’il y a d’habitants en Paris, et qu’il se peut vanter d’avoir autant de Gardes qu’il y a de personnes dans l’enceinte de tes murailles, et dans l’étendue de tes faubourgs.

Enfin que tout le monde ait part à cette joie publique, que les femmes et les enfants, les grands et les petits, les riches et les pauvres, les Nobles et les roturiers, les Bourgeois et les gens de métier, se mettent en état de recevoir leur Roi qui les vient visiter, mais plutôt qui vient demeurer avec eux, pour les combler de biens, et remplir de richesses, pour bannir de cette Ville la disette, et y faire venir l’abondance du pain, et la multitude des choses nécessaires à la vie.

Que l’on n’entende plus que des cris de VIVE LE ROI, que l’on ne parle plus que de Ballets, de danses et de Comédies ; chassons la nuit par la multitude des flambeaux, et faisons consumer tous nos ennuis dans les feux de joie qui brûleront parmis nos rues, ou du moins les noyons dans le vin de nos festins, et les ensevelissons parmi nos réjouissances.

Que la renommée étende maintenant ses ailes, qu’elle fende les airs avec sa vitesse accoutumée, et qu’elle s’en aille avec sa Trompette d’airin, publier chez les nations étrangères, la joie de Paris, l’Allégresse de la France, et l’arrivée de notre Hercule triomphant en la ville Capitale de ses Etats.

Qu’elle ne craigne point de leur dire, que nous employons le temps à nous festiner, que tout Paris est dans la débauche, qu’il a banni le souci de son âme, et qu’au lieu de dérouiller ses armes il ne songe plus qu’à dérouiller ses dents parmi la bonne chère, et l’abondance des tables de ses Bourgeois.

Misérables songe creux, qui n’avez jamais profité que dans nos désordres ; Marrannes ennuyeux qui avez incessamment l’oeil sur les déportements de la France, regardez là maintenant, et la considérez bien, elle se perd dans les délices, elle se plonge dans les réjouissances, et ne songe plus à vous faire la guerre, elle est tellement ennuyée de joie, que bien loin de former des desseins contre vous, elle ne veut pas savoir seulement si vous êtes dans l’être des choses raisonnables.

Mais peut-être seriez-vous bien assez fous pour vouloir vous servir de l’occasion, et votre hypocondriasie aiguillonnée par l’acrimonie de quelque humeur attrabilaire, vous pourrait bien porter à quelque hardi dessein, ou vous faire attenter quelque entreprise téméraire ; Mais souvenez-vous que les Français sont hardis parmi les festins, et qu’ils raisonnent à la table, que s’ils sont ivres, ils ne dorment pas pourtant, et que leurs coups sont d’autant plus rudes dans la débauche, que leurs esprits sont animés par la chaleur du bon vin, et réchauffés par la fumée des bonnes viandes.

C’est pourquoi je vous conseille ingénieusement de ne réveiller point le Chat qui dort, ou plutôt de ne vouloir point irriter notre Hercule triomphant au milieu de sa réjouissance, de peur que sa colère ne vous décharge un coup de sa massue, qui vous rompe le cou, ou qui vous charge si fort les épaules, que vous ne maudissiez mille fois la pensée qui aurait fait interrompre notre Fête.

Que la friandise et le bon goût de nos morceaux ne vous allèche point, car tous ces apprêts ne sont pas pour vous ; aussi bien vous qui êtes accoutumés de vivre d’aulx et d’oignons, de Citrons et d’Oranges, qui nourrissez votre humeur acre et mortifiante de viande de haut-goût, vous ne sauriez bien savourer ces viandes agréables, qui ne s’accordent qu’aux tempéraments modérés, tels que sont ceux des bons Français, dont l’humeur joviale et sanguine, est autant éloignée de la vôtre, triste et mélancolique, que le Ciel est éloigné de la Terre, et qu’il y a de différence entre le blanc et le noir.

Mais vous qui êtes véritablement bons Français, et fidèles sujets du Roi, venez vous réjouir de sa venue triomphante, n’épargnez ni vos bouches ni vos bourses pour témoigner votre allégresse, que votre contentement se lise sur vos visages, que votre joie éclate sur vos fronts, et que l’une et l’autre se reconnaissent par vos actions, ne craignez point de vous emporter dans l’excès, il n’y en peut avoir en ce rencontre, la modération est vicieuse, et la retenue est criminelle ; il n’appartient qu’à ces âmes de glace, et ces coeurs Espagnolisés, de paraître froids dans la plus grande chaleur de nos réjouissances publiques : car ceux qui sont véritablement Français se souviennent toujours qu’on ne peut trop craindre Dieu, et trop aimer le Roi.

Élevons donc nos voix jusqu’aux Cieux, et faisons fendre l’air par la force de nos acclamations, que les oiseaux tombent tous morts dessus les tables préparées dans les rues, que l’on voit dans tous les carrefours des fontaines de vin de Grave, de malvoisie et d’hipocras : prenons si bien nos mesures, que l’Espagne même contribue à notre réjouissance, et faisons que malgré elle la liqueur de ses raisins échauffe l’ardeur Martiale des Français, et serve d’allumettes au feu qui les anime à combattre ces Rodomonts.

Enfin ajustons si bien toutes choses, préparons de telle sorte les matières de notre joie, et rendons tant de preuves des ressentiments du bonheur que nous recevons aujourd’hui par le retour de Sa Majesté, que non seulement la France, non seulement l’Europe, mais le Monde tout entier avoue que comme il n’y a point de meilleur Prince sur la Terre, que notre Roi, il n’y a point aussi de ville plus affectionnée envers son Prince que Paris, ni de peuples plus zélés envers leurs Souverains que les Habitants de cette Ville, qu’on nomme à bon droit l’Abrégé du Monde, et la Merveille de l’Univers.

Mais pourquoi faire des exhortations à ceux qui brûlent d’ardeur pour le service du Roi ? Et pourquoi inviter à la reconnaissance ceux qui ont souffert avec tant de déplaisir son éloignement, et qui ont si passionnément désiré son retour : Certes, il est inutile, et j’avoue que je vous ferais tort d’y insister davantage ; mais pardonnez à mon zèle qui est bouillant, et à mon amour qui est extrême, qui non seulement ne se peut contenter de rien qui soit médiocre, mais qui ne peut souffrir le moindre retardement dans les choses dont elle désire l’effectuation.

Courage donc Citoyens, vous avez bien commencé la fête, et je vois que vous avez bonne envie de l’achever. Ces Corps illustres se sont acquittés les premiers de leur devoir, et votre Bourgeoisie a eu l’honneur de voir passer au milieu d’elle l’Honneur de la France, et la Gloire des Chrétiens, l’Hercule Triomphant, et le plus grand de tous les Rois, qui se voit maintenant en son Palais, environné de ses Princes, et tout rayonnant de gloire, comme le Soleil, lors qu’ayant couru par le Zodiaque, il arrive au plus haut point de son exaltation, ou qu’il entre dans la jouissance des délices de sa propre maison.

Source : L’hercule triomphant ou les heureux succès de sa Majesté en son voyage de Normandie. Veuve François Targa 1650


Autres articles interessants :

Critères de publication - Résumé

Minimum 250 mots / article
Max 3 liens / article de 250 à 400 mots
Max 5 liens / article de plus de 400 mots
Utilisation d'une "image à la une"
Pas de contenu dupliqué