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Le monument de Strasbourg

Publi du mardi 19 mars 2013
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Cathédrale de Strasbourg, dessin R. D'Or 18e / 19e

Dans l’analyse que donne le Moniteur du 21 Octobre 1823, n.° 394, de l’Histoire et description de la cathédrale de Cologne, par M. Sulpice Boisserée, il est dit que l’auteur ne se bornera point à nous faire connaître la cathédrale de Cologne, et que cet édifice lui servira seulement de terme de comparaison ; qu’il partira de là, et que cette cathédrale ne sera que la base de son système sur l’architecture d’église ; qu’il examinera cette architecture depuis les premiers temps du christianisme jusqu’au commencement du seizième siècle ; qu’ainsi son travail sera à la fois spécial et général, que son objet sera en même temps historique et théorique : l’histoire d’un monument, observe-t-on, deviendra entre ses mains celle de toute une branche de l’art.

Jaloux de posséder dans nos murs l’édifice le plus admirable dans ce genre, édifice qui n’excite pas moins de surprise par la hardiesse de l’entreprise, par la force de sa conception, que par les dépenses qu’il a dû occasionner (monument unique et dont on ne peut se rendre compte à soi-même qu’avec la connaissance que, pendant les treize premières années de sa construction, plus de cent mille personnes y ont mis la main par un sentiment de piété, se contentant d’un chétif salaire fourni également par la charité des fidèles) ; nous ne comprenions pas pourquoi M. Boisserée avait choisi la cathédrale de Cologne pour le premier objet de ses savantes recherches, lorsqu’il trouvait en France même l’édifice le plus remarquable dans le genre gothique, le plus propre à fixer son attention, et à exercer ses savantes et utiles investigations.

Lorsque Strasbourg appartenait encore au corps germanique, la cathédrale de Strasbourg était comptée parmi les sept merveilles de l’Allemagne, et la cathédrale de Cologne, quant au chœur seulement, occupait le second rang.

Voici ce qu’on lisait au-dessus de la porte d’entrée de la bibliothèque métropolitaine de Mayence.

Septem Germanice spectamina : turris argentinonsis, chorus coloniensis, horlogium argentinum, organum ulmense, undinœ francofurtenses, mechanica nurembergensis, structura augustana.

Ainsi dans ces sept merveilles de l’Allemagne la tour de la cathédrale de Strasbourg et son horloge comptaient pour deux.

Le père Laugier, jésuite, qui s’est livré aux mêmes recherches qui occupent M. Boisserée, s’explique de la manière suivante sur la tour de la cathédrale de Strasbourg, dans son Essai sur l’architecture.

La cathédrale de Strasbourg, photographie de presse, Agence Rol en 1918.

« Nos anciens ont excellé dans la construction des tours : ils en ont merveilleusement saisi le goût et poussé trop loin l’artifice. Rien n’est comparable en ce genre à la tour de la cathédrale de Strasbourg. Cette superbe pyramide est un chef-d’œuvre ravissant par son élévation prodigieuse, sa dimension exacte, sa forme agréable; par la justesse des proportions, par la singulière finesse du travail. Je ne crois pas que jamais artiste ait rien produit d’aussi hardiment imaginé, d’aussi heureusement pensé, d’aussi proprement exécuté. Il y a plus d’art et de génie dans ce seul morceau, que dans tout ce que nous voyons ailleurs de plus merveilleux. »

L’abbé Grandidier, dans ses Essais historiques sur le même monument, dit avec un sentiment de vérité et de conviction :

« Ce superbe édifice, l’un des plus étonnants qui jamais aient été entrepris, passe avec raison pour un des chefs-d’œuvre d’architecture gothique. Ce monument, malgré l’ignorance où l’on était des règles de la noble simplicité, de la sage distribution, de l’élégance de l’architecture grecque et romaine, présente cependant dans son total et dans ses parties des beautés d’un genre qui lui est particulier. Il faut le voir pour en juger, car, la plume et le burin ne peuvent en donner qu’une idée imparfaite : la hauteur et l’élévation de la tour, la proportion qui règne dans ses parties, la finesse des sculptures et la hardiesse de ses voûtes, forment un ouvrage digne d’admiration et unique en Europe. Ses fondements surtout ont été si profondément jetés, qu’elle a résisté jusqu’aujourd’hui, quoique percée à jour, aux tremblements de terre, aux incendies et aux fréquents orages. »

Mais qu’on lise avec attention l’analyse de l’ouvrage de M. Boisserée , et on verra qu’il n’a pu être question de sa part de maîtriser l’opinion de l’Europe entière, en assignant à la cathédrale de Cologne le rang de supériorité qui est si justement acquis au monument inimitable qui nous appartient, et pour lequel nous n’admettrions aucune sorte de rapprochement.

M. Boisserée, dans l’intérêt de l’étude, pour l’histoire et la philosophie de l’art, voulait un monument qui fût tel que l’architecte l’avait conçu, dont toutes les parties terminées fussent le résultat d’un plan unique. Ce monument s’est trouvé à Cologne, et le dessin original s’en est même conservé : c’est un avantage que nous ne pouvons pas contester à la cathédrale de Cologne.

Nous ne connaissons pas l’architecte qui dressa le plan de la cathédrale de Strasbourg, c’est-à-dire, du vaisseau de l’église. Ce plan n’existe même pas. Nous ne possédons que celui de la tour, dressé sur vélin par Erwin de Steinbach, et conservé avec beaucoup de soin dans les archives de la fabrique de l’œuvre Noire-Dame.

Ce fut Verinhaire, évêque de Strasbourg, qui, en 1015, posa la première pierre de la cathédrale proprement dite. Nous apprenons seulement par l’histoire, que cet évêque fit appeler, pour en dresser le plan, les architectes qui de son temps jouissaient de la plus grande célébrité.

Nous voyons que les fondations reçurent plus de trente pieds de profondeur; qu’elles furent assises sur des pilotis affermis, liés et couverts d’un ciment composé de chaux vive, de briques et de charbons pilés, sur lesquels on posa les premières pierres de taille.

Ce ne fut qu’en 1280 que le vaisseau de l’église se trouva terminé.

Avant tout on avait employé huit années pour réunir les matériaux que commandait cette entreprise vraiment gigantesque : on les tira dans tout leur ensemble de la vallée dite Cronthal, entre Marlenheim et Wasselonne.

Quatre années avant l’achèvement du vaisseau, c’est-à-dire en 1276, on entreprit la construction de la tour, et, comme nous l’avons dit, sur le plan d’Erwin de Steinbach, à qui doivent revenir tous les honneurs de la conception.

Cette tour ne put être achevée qu’en 1439 : on a donc consacré cent soixante-deux années à sa construction. Son élévation, d’après le dernier travail des ingénieurs géographes, serait de quatre cent trente-six pieds dix-sept soixante-douzièmes de Paris. Elle était surmontée de la statue de la Sainte Vierge, que l’on fit descendre en 1488, pour la préserver des dangers qu’elle avait fréquemment courus, et qui fut posée, en 1493, au-dessus du portail en face du palais épiscopal, où elle existe encore aujourd’hui.

Erwin de Steinbach, premier architecte de cette tour, mourut le 17 Janvier 1318. Ce fut principalement sous sa direction qu’on éleva le grand et magnifique portail d’entrée, les deux portails collatéraux et celui en face du palais épiscopal.

Strasbourg (Bas-Rhin), cathédrale Notre-Dame

Strasbourg (Bas-Rhin), cathédrale Notre-Dame

Erwin eut pour successeur son fils Jean, dont la réputation s’étendit également au loin, et qui parvint à élever la tour presque jusqu’à la plate-forme : il décéda le 18 Mars 1339.

La plate-forme ne fut complètement achevée qu’en 1365.

Erwin de Steinbach, Husa, son épouse, qui possédait à un haut degré l’art de la sculpture, et leur fils Jean, ont été enterrés dans la petite cour attenante à la sacristie du grand chœur, où l’on peut lire leurs épitaphes.

Les architectes qui succédèrent à Jean Erwin et poussèrent la tour jusqu’à son extrémité, sont inconnus. Tout ce que l’on sait, c’est que Jean Hultz, de Cologne, fut appelé au quinzième siècle pour présider à l’ouvrage, qui, comme nous l’avons remarqué, ne put être entièrement terminé qu’en 1439.

Source : Strasbourg et l’Alsace ou choses mémorables des vieux temps par Antoine de Kentzinger publié en 1824.

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