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Le premier Hôtel de ville de Paris

Publi du dimanche 26 mai 2013
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Façade de l’hôtel de ville de Paris et la décoration du feu d'artifice élevé devant l’hôtel de ville en réjouissance de la prise de la ville de Menin le 17 juin 1744

Plan : Hôtel de ville de Paris construit aux seizième et dix-septième siècles, Données imposées à l’architecte Dominique de Cortone, dit le Boccador, et à ses successeurs, Quelques défauts de la façade, Élégance de la cour d’honneur, Heureuse contrainte.

Le monument même n’existe plus. Je dois donc rappeler d’abord, avec quelques détails, ce qu’il était ; car les nouveaux bâtiments, que l’on s’occupe d’élever aujourd’hui, ne ressembleront qu’à demi aux anciens, surtout dans leurs dispositions intérieures.

Il se composait de deux parties principales :

  • l’ancienne maison commune, commencée au seizième siècle, achevée au commencement du dix-septième, et qui s’était conservée jusqu’à nos jours
  • les bâtiments nouveaux qu’on y avait ajoutés de 1837 à 1847, pour donner place à tous les services municipaux dans le palais de la Ville.

L’Hôtel de ville de Paris couvrait une surface rectangulaire d’un hectare environ, dont le grand côté, dans le sens de la façade sur la place de Grève, mesurait 180 mètres, et le petit, 120 mètres. Si, de la place, on regardait l’ensemble du monument, on voyait d’abord la vieille maison de ville qui en occupait la partie centrale, et qui se développait sur une longueur de 60 mètres. Cet ancien palais, dans ses parties principales, avait été soigneusement conservé; il avait été dessiné, en grande partie, et commencé par Dominique de Cortone, dit le Boccador, en 1533, sous le règne de François Ier. Divers architectes l’avaient continué, à peu près sur les mêmes dessins, jusqu’en 1541. Puis, le travail, interrompu, pendant la seconde moitié du seizième siècle, par les guerres de religion et les troubles civils, avait été repris, en 1605, sous Henri IV, et terminé seulement en 1628, sous Louis XIII.

Paris, Hôtel de ville, Chapiteau Dominique de Cortone, Le Boccador

Paris, Hôtel de ville, Chapiteau Dominique de Cortone, Le Boccador

La construction en avait été faite dans des conditions particulières qu’il importe de se rappeler, si l’on veut se rendre un compte exact de la conception et du travail de l’architecte.

Il existait jadis, sur ce point, un monticule qu’on appelait le Monceau lequel descendait du nord-est vers la place de Grève et la Seine, et dont il reste encore des vestiges sensibles, après les opérations de voirie qui ont nivelé les abords de l’Hôtel de ville. L’église Saint-Gervais, dont le portail était au niveau du sol, dépasse de la hauteur d’une quinzaine de marches la chaussée de la place Lobau, qui est à une altitude supérieure à celle de la place de Grève. Des emmarchements se remarquent encore le long des rues François Miron, de Rivoli, du Marché Saint-Jean, des Deux-Portes et des Mauvais-Garçons.

Au commencement du seizième siècle, ce monticule, qui avait été une entrée de Paris, était couvert de bâtiments, parmi lesquels se distinguait la Maison aux Piliers, servant alors d’Hôtel de ville. Ils furent démolis en partie, pour recevoir la construction du Boccador. L’espace qui lui était livré était circonscrit, à l’ouest, par la place de Grève ; au sud, par la petite rue du Martroi, qui n’était pas tout à fait perpendiculaire à la place, mais s’inclinait obliquement vers la Seine ; à l’est, par le portail de l’église de Saint-Jean en Grève, et d’une chapelle qui y était contiguë au nord, par les bâtiments du petit hospice du Saint-Esprit, et spécialement par la chapelle de cet établissement dont l’axe n’était pas non plus perpendiculaire à la place de Grève, mais, s’infléchissait un peu vers le nord dans une direction contraire à celle que suivait la rue du Martroi.

L’espace n’était pas très-considérable ; il convenait plutôt d’y ajouter quelque chose que d’en rien retrancher. D’ailleurs, le terrain, moins large sur la place de Grève que dans le fond, le long de l’église Saint-Jean, ajoutait aux difficultés du plan; enfin, le sol était en pente, et il n’était possible, ni de l’exhausser sur la place, ni d’abaisser soit le niveau de la ruelle qui devait être réservée entre l’Hôtel de ville et l’église, soit même celui de la rue du Martroi.

C’est en partant de ces données, que le Boccador a conçu son œuvre. D’abord, pour agrandir sa façade, il a jeté une arcade et élevé un pavillon au-dessus de la rue du Martroi ses successeurs en ont fait autant sur l’entrée de la chapelle du Saint-Esprit, et le corps principal de logis a trouvé place entre les deux. Cet expédient a dû être suggéré a l’architecte par un arrêt du Parlement, rendu le 26 juillet 1533, l’année même où fut posée la première pierre de l’édifice. Cet arrêt, tout en autorisant la Ville à acquérir et à démolir une maison dépendant de l’hôpital, y mettait la condition qu’un arc de 27 à 28 pieds de haut sur 28 de large, serait construit pour servir à l’entrée et à l’agrandissement de la chapelle. C’est donc par autorité de justice qu’ont été arrêtées les dimensions des deux arcs qui, depuis, ont servi de portes latérales au palais municipal.

Cérémonie de l'ordre et de la marche de la publication de la paix devant l'Hôtel de ville 1806

Cérémonie de l’ordre et de la marche de la publication de la paix devant l’Hôtel de ville 1806

La forme de la cour intérieure était commandée par celle du terrain, dont il convenait de tirer tout le parti possible. Au lieu de figurer un rectangle, elle était plus étroite à l’entrée, et allait s’élargissant vers le fond ; en outre, comme il fallait racheter une pente, le sol en fut élevé de 4 mètres environ au-dessus du niveau de la place. Il en résultait, d’ailleurs, cet avantage qu’on avait un vaste sous-sol sans qu’il fût besoin de creuser des caves dans un terrain ordinairement humide, et qu’on mettait ainsi l’intérieur de l’édifice à l’abri des inondations. En effet, à chaque crue de la Seine, l’eau envahissait les maisons et les rues voisines. Nous l’avons vue parfois, au commencement de ce siècle, avant l’achèvement des quais sur cette rive, baigner le perron même du monument et en couvrir quelques marches, aussi bien qu’une notable partie de la place de Grève.

La façade principale se composait d’un corps de bâtiment central, ayant un rez-de-chaussée au niveau de la place et deux étages, avec une porte principale, six fenêtres au premier étage ou entre-sol, sept à l’étage supérieur ou grand étage, deux lucarnes aux combles, et, au milieu, un attique et un fronton avec horloge, surmontés d’un campanile en forme de lanterne, à deux étages et à jour. Des deux côtés de ce corps de bâtiment, s’élevaient les pavillons dont il vient d’être parlé, et qui le dépassaient d’un étage. Mais ces pavillons, bâtis au-dessus des arcades Saint-Jean et du Saint-Esprit, et nécessairement dans leur axe, ne pouvaient avoir une largeur suffisante qu’aux dépens du corps de logis central dont ils eussent alors dérangé les proportions. L’architecte y avait pourvu en les élargissant seulement l’un du côté droit, l’autre du côté gauche, aux extrémités de la façade, par des appendices en saillie, sorte de tourelles carrées, ou d’échauguettes, formant un encorbellement à la hauteur de l’entre-sol. Au-dessus des arcades, trois croisées, dont une dans la tourelle, éclairaient chaque étage ; dans le comble s’ouvrait une lucarne.

Tout le premier étage était orné de colonnes cannelées avec chapiteaux corinthiens. Les fenêtres étaient à meneaux avec frontons. Au second étage, les croisées étaient séparées par des niches sur consoles, portant des statues.

A l’étage supérieur des pavillons et des tourelles, des croisées à arcade étaient également accompagnées de niches. Les lucarnes étaient élégantes et ornées de sculptures. Un balustre régnait le long de la corniche. Deux statues étaient couchées sur les rampants de l’attique ; l’horloge était aussi ornée de figures. Au-dessus de cet ensemble était sculptée en ronde bosse l’image de la Ville de Paris, dont les armes couronnaient le tout.

La porte principale, assez étroite et carrée, ne s’ouvrant que jusqu’à la hauteur du soubassement des fenêtres, était surmontée, comme chacun se le rappelle, d’un tympan cintré atteignant, par son archivolte surbaissée en anse de panier, la corniche du premier étage, et portant la statue équestre du roi Henri IV. Voici quel avait été le motif de cette disposition. La cour étant élevée de plusieurs mètres au-dessus de place, on y accédait par un escalier droit de seize marches. La porte qui s’ouvrait directement sur cet escalier, n’avait pu s’élever à la hauteur qu’aurait demandée naturellement l’entrée d’un édifice tel que l’Hôtel de ville. Elle aurait, en effet, donné aux passants la vue disgracieuse et peu intelligible de cet escalier encadré de deux murs, laissant apercevoir le bas des piliers d’un portique et d’une cour à la hauteur d’un étage, c’est-à-dire, la vue qu’au fond d’une cave on peut avoir par l’ouverture d’un soupirail.

Façade de l’hôtel de ville de Paris et la décoration du feu d'artifice élevé devant l’hôtel de ville en réjouissance de la prise de la ville de Menin le 17 juin 1744

Façade de l’hôtel de ville de Paris et la décoration du feu d’artifice élevé devant l’hôtel de ville en réjouissance de la prise de la ville de Menin le 17 juin 1744

Cependant, pour donner à cette porte, à l’extérieur, une hauteur qui fût égale à celle des deux arcades latérales, on l’avait surmontée du tympan qui vient d’être décrit, et qui avait d’abord été rempli par une table de marbre noir, portant une inscription. Plus tard, en 1608, on y substitua une statue équestre en marbre blanc, représentant le roi Henri IV le fond, sur lequel elle se détachait, était en marbre noir. La statue fort remarquable était de Pierre Biard l’inscription fut reportée à l’intérieur. Enfin, la statue ayant été détruite dans la première Révolution, une autre fut faite en bronze par Lemaire, sur un fond de marbre blanc disposition beaucoup moins heureuse. Le cadre de la porte ainsi exhaussée la laissait alors un peu trop étroite, surtout en comparaison des deux larges arcades au milieu desquelles elle était placée.

Toute la façade ne manquait pas d’élégance. On y critiquait seulement, outre le défaut d’ampleur signalé dans la porte principale, l’expédient des tourelles empruntées à l’ancienne architecture militaire, qui faisait gauchir les deux pavillons, et la multiplicité des niches et des consoles dont la façade était autant surchargée que décorée.

La cour, au contraire, ne méritait que l’admiration. Au rez-de-chaussée, régnait une galerie en arcades avec des colonnes engagées; au-dessus, était un étage d’une disposition analogue, mais dont les baies étaient fermées par des croisées. Le second étage se dessinait par des lucarnes largement ouvertes dans les combles.

L’ensemble offrait un aspect charmant et original. La forme donnée à cette cour, les lignes d’architecture qui s’y accusaient, la délicatesse et la variété des sculptures des galeries, le dessin plein de fantaisie et les riches ornements des lucarnes, en faisaient une œuvre exquise. Elle était désignée sous le nom de cour de Louis XIV, parce qu’une statue de ce roi, sculptée par Coysevox, et divers emblèmes et inscriptions se rapportant aux événements de son règne, y avaient été placés au dix-septième siècle. La statue, retrouvée et rétablie après la première Révolution, avait d’abord repris son ancienne place, en face de l’entrée, sous un des arcs de la galerie, qui était revêtu de marbre, et dont les colonnes également de marbre, avaient leurs soubassements et leurs chapiteaux en bronze relevés de dorure. Plus tard, pour ménager une facilité de circulation intérieure, cette statue avait été portée au milieu de la cour.

Comme on le voit, l’architecte, qui avait laissé apparaître un peu de gène dans sa façade, n’avait été, à l’intérieur, nullement embarrassé par la singulière disposition des lieux; il en avait au contraire tiré parti pour élever une construction qui semblait aussi libre et dégagée que pleine de caprice et de grâce.


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