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Colonne de la Grande Armée

Publi du vendredi 6 avril 2012
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Colonne de la Grande Armée à Wimille

L’une des extrémités du royaume, sur le rivage de la Manche offert aux regards de tous les voyageurs qui se dirigent vers la France, se dresse un des plus remarquables ,monuments qui aient été élevés en l’honneur des armées impériales : c’est la colonne de la Grande Armée, dont s’enorgueillit à juste titre le département du Pas-de-Calais.

Placée près de la route de Paris, dans un champ de la commune de Wimille, à un quart de lieue de Boulogne, entièrement isolée, la colonne, tout en marbre du Boulonnais, s’élève à cent soixante-cinq pieds du sol, en face de l’Angleterre, d’où elle est aperçue de Douvres et de divers points de la côte. Son aspect sur le rivage est tout à fait imposant. Elle s’élance dans les airs, élégante, correcte et majestueuse, du milieu d’une enceinte en marbre qui en défend l’approche et dans laquelle on pénètre par une grille ornée de chaque coté d’un lion en bronze couché sur un piédestal.

De glorieux souvenirs se rattachent à cette colonne. Le 21 septembre 1804, une brillante et valeureuse armée sous les ordres du maréchal Soult, campée sous les murs de Boulogne, en vota l’érection à ses frais, pour rappeler les hauts faits de l’armée française, consacrer l’immortelle expédition d’Égypte et perpétuer le souvenir de la distribution, faite en présence de cent mille braves, des décorations de la Légion-d’Honneur.

Le même jour, l’armée navale, commandée par le vice-amiral Bruix, et composée des flottilles réunies dans les ports de Boulogne, Wimereux et Ambleteuse, demanda et fut admise à partager le vœu de l’armée de terre. Voilà l’origine glorieuse de ce monument du pied duquel, en septembre 1805, partait l’armée qui, six semaines après, faisait capituler Mack dans Ulm, et terminait par la bataille d’Austerlitz une campagne qui n’avait été pour l’armée française qu’une suite non interrompue de succès, de triomphes et de prodiges de tout genre. Son histoire, à travers les différents gouvernements qui se sont succédé en France depuis près de quarante ans, mérite d’être connue.

Colonne de la Grande Armée à Wimille

Colonne de la Grande Armée à Wimille

Sa construction fut mise au concours. L’architecte Labarre, à qui, depuis, nous avons dû l’achèvement du magnifique bâtiment de la Bourse, l’emporta sur ses rivaux dans cette lutte honorable. La durée des travaux avait été fixée à quatre années, mais une foule d’événements les retardèrent, les interrompirent si souvent, que la Restauration, en 1814, trouva la colonne à peine sortie de terre. Tous les matériaux étaient prêts; mais, à les voir étendus sur le rivage qu’ils devaient dominer, au milieu de débris de toutes sortes, on aurait plutôt cru à un monument renversé qu’à un monument à construire. Le spectacle de ces ruines anticipées était douloureux pour tous les habitants du Pas-de-Calais, pour ceux de Boulogne en particulier. Aussi s’éleva-t-il de fréquentes et nombreuses réclamations.

De 1814 à la fin de 1816, les plaintes, un instant arrêtées par les événements qui furent la conséquence des Cent jours et de la seconde Restauration, se renouvelèrent. Le bruit en vint jusqu’à Paris, où l’on ne se pressait pas beaucoup de solder les dettes de l’Empire, mais sans causer d’abord beaucoup de sensation. L’un des ministres d’alors, nous n’aurons pas la cruauté de livrer son nom au mépris de la postérité, avait même trahi la secrète et véritable pensée du gouvernement. Il avait proposé d’en finir avec la colonne de la Grande Armée, de détruire ce qui avait été élevé et de tirer parti des matériaux… Près du lieu où avaient été dressés le trône de Napoléon, l’estrade sur laquelle montaient, le cœur ému, les premiers décorés de la Légion-d’Honneur, un commissaire priseur serait venu vendre au plus offrant et dernier enchérisseur les pierres qui rappelaient de si glorieux souvenirs ! …

Malgré le secret gardé à Paris sur ces projets si affligeants, si honteux, ils furent connus dans le Pas-de-Calais, et un long cri d’indignation s’éleva de toutes parts. Des pétitions furent adressées au roi, aux chambres, aux princes ; et, pour conserver la colonne, obtenir ensuite son achèvement, on fit les concessions les plus singulières : on proposa, entre autres, de la dédier à Louis XVIII,  « restaurateur de la monarchie et protecteur de la liberté publique ! »

En 1819, on reprit enfin les travaux, et Labarre, bien qu’on eût changé tous ses projets, tous ses plans, y mit un zèle, un dévouement que ne purent refroidir les nombreux mauvais vouloirs qui surgissaient de toutes parts. Grâce à lui, eu 1821, on était arrive aux dernières assises du fût; on posait le chapiteau qu’avait terminé le sculpteur Rognier, de Paris.

De nouvelles difficultés s’élevèrent lorsqu’il s’agit de couronner le monument. On avait proposé une statue de Henri IV, ensuite une statue de Louis XVIII, mais on sait que le vieux roi refusa toujours de laisser placer de son vivant son effigie sur un édifice public, puis l’appareil d’un phare, puis un globe traversé par une flèche perpendiculaire; enfin on s’arrêta au projet d’un globe fleurdelisé, surmonté d’une couronne royale. Ce bizarre ornement, inexplicable à quelque distance, fut inauguré le jour de la saint Louis de l’année 1821.

La colonne était donc terminée : il y manquait cependant encore les bas-reliefs, plusieurs ornements. On trouva si bien le moyen de ne pas presser ces indispensables et derniers travaux, que la Restauration, qui avait pris de l’Empire le monument inachevé, le rendit inachevé au gouvernement sorti de la Révolution de juillet. Ce fut, par exemple aussi, une révolution pour la colonne. Le drapeau tricolore flottait à peine sur les édifices de Boulogne, que l’on réclamait sa primitive destination ; qu’elle cessât d’être la Colonne des Bourbons, comme on l’appela pendant quelques années, pour redevenir la colonne de la Grande Année. On commença par enlever la couronne royale et le globe fleurdelisé; on demanda que les bas-reliefs à placer fussent consacrés aux grands souvenirs qu’elle avait mission d’immortaliser; mais ce ne fut encore que dix ans après des efforts de toutes sortes, et trente-sept années de luttes incroyables et de variations affligeantes, que la colonne de la Grande Armée reçut la seule consécration qui fût digne d’elle, la statue de Napoléon. Ce fut le 15 août 1841 qu’elle fut placée sur le bouclier en bronze qui surmonte l’acrotère. Labarre n’eut pas le bonheur de la voir: il était mort en 1852.

Cette statue est l’ouvrage du sculpteur célèbre auquel on doit tant de productions remarquables, de M. Bosio, qui termine en ce moment une tête de Vierge en marbre, admirable type de candeur, de naturel, dans lequel l’artiste a cru devoir conserver le caractère distinctif des Israélites. Commandée en août 1858 par M. le comte de Montalivet,alors ministre de l’Intérieur, cette statue fut fondue en 1840 par M. Saint-Denis. Aux funérailles de l’Empereur, le 15 décembre 1840, elle était placée sur le bord de la Seine, en face de l’Hôtel des Invalides. Napoléon est représenté debout, en grand costume impérial, portant le manteau orne de broderies et parsemé d’abeilles ; d’une main il tient le sceptre, de l’autre il présente les insignes de la Légion-d’Honneur; sa tête est couronnée de lauriers. Tout, dans cette statue, haute de douze pieds trois pouces et de treize pieds cinq pouces avec le bouclier, qui a lui-même sept pieds de diamètre, rappelle les motifs de la fondation de la colonne, rendue aujourd’hui, après tant de vicissitudes diverses, à sa véritable destination.

Une porte construite dans l’une des faces de la base laisse pénétrer dans une salle que l’on appelle Salle des Archives, et qui contiendra les bustes de Napoléon et du maréchal Soult, exécutés par M. Oudiné. De cette salle on monte dans l’escalier pratiqué au milieu de la colonne et composé de deux cent soixante et une marches. Cet escalier conduit sur la plate-forme du tailloir, d’où l’on jouit d’une vue magnifique à plus de vingt lieues en mer. Par un beau temps, les côtes d’Angleterre apparaissent fort bien aux regards, et les blanches falaises de Douvres, se dessinant sur un fond de vapeurs, tranchent sur l’horizon de la manière la plus pittoresque. On attend, pour les placer, deux magnifiques bas-reliefs de MM. Bra et Lemaire : l’un rappelle le vote de la colonne, l’autre la distribution des croix de la Légion-d’Honneur.

La colonne de la Grande Armée augmente le nombre des monuments qui témoignent de la protection éclairée du gouvernement de Louis-Philippe Ier en faveur des Arts. C’est sous le règne de ce prince, qui a donné une si noble, une si utile impulsion aux travaux publies, qui a surtout veillé avec tant de sollicitude à leur complet achèvement, qu’elle a été terminée et rendue à sa véritable destination. Les vieux soldats la voient avec joie, les jeunes la saluent avec respect, car elle n’est plus aujourd’hui l’emblème d’une opinion, l’espérance d’un parti : c’est l’expression durable de la reconnaissance nationale, c’est l’hommage rendu à un grand homme et à une époque glorieuse qui ne peut plus devenir l’instrument des mauvaises passions.

D’après l’Artiste, journal des beaux-arts et belles-lettres publié en 1842.

Crédit photo J. Herbez pour Patrimoine-de-France.com


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