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Quoi de neuf au treizième siècle

Publi du jeudi 18 octobre 2012
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Notre-Dame de Paris

L’architecture que nous avons perdu pour des raisons de rentabilité, de temps ou de négligence est le fruit d’une lente mutation qui à conduit les architectes et autres penseurs les plus érudits à bâtir de somptueuses cathédrales que nos contemporains serait bien en peine de reproduire avec de simple moyens humains. sans entrer dans les détails de l’apogée d’une civilisation, l’architecture est toutefois un marqueur majeur de l’évolution d’un groupe et à observer les trésors de techniques mis en œuvre au XIIIe siècle il est évident que si ce marqueur devait être pris en compte pour jauger notre évolution nous devrions conclure que nous somme sur le déclin. A cette époque si certaines tâches très précises sont l’apanage d’une élite, la construction reste toutefois le quotidiens de tout à chacun et si monsieur tout le monde n’est pas en mesure de tailler la pierre une majorité n’est pas étranger au bâti et à son entretien. Que pouvons nous dire aujourd’hui de cette aptitude manuelle disparue chez la grande majorité qui n’assume même plu le fait de planter un clou.

Parcourons ensemble ce que l’histoire peut nous apprendre de ceux qui forgèrent le patrimoine immense de notre pays encore visible au XXIe siècle et qui comparé à celui de notre temps laissa une empreinte notoire alors que le notre aura surement totalement disparue au XXIIe siècle. Léon Château et son ouvrage « Histoire et caractères de l’architecture en France depuis l’époque druidique » sera notre guide pour ce voyage architectural.

Plan de l’article :

Arc, courbes et voûtes

Nous venons de voir comment le mouvement rénovateur qui signala le XIIe siècle amena avec lui une révolution dans l’architecture, et nous avons montré que le nouvel élément du nouvel art, l’ogive, employé d’abord concurremment avec le plein cintre, avait fini par dominer complètement, non seulement comme forme générale des ouvertures, mais accompagnée d’innovations architectoniques qui, sans modifier beaucoup l’ordonnance générale des édifices romans, leur donnèrent un aspect tout différent.

Voûte de l'abbatiale de Pontigny (XIIe)

Voûte de l’abbatiale de Pontigny (XIIe)

Les constructeurs de la fin du XIIe siècle, nous l’avons dit, reconnurent dans l’arc brisé la courbe la meilleure pour résister aux poussées des voûtes, et pour rejeter sur des points d’appui isolés toutes les forces obliques et les réduire à des effets verticaux. Ils cherchèrent à équilibrer leurs constructions sur ces points d’appui, sur ces piles, et arrivèrent à maintenir toutes les parties hautes de leurs édifices dans un état parfait d’équilibre en neutralisant toutes les poussées obliques. Ce grand principe établi, les architectes laïques l’appliquèrent partout et au XIIIe siècle, après des essais et des tâtonnements nombreux, ils rejetèrent complètement les vieilles traditions pour entrer dans la voie nouvelle.

Toute la fin du XIIe siècle et le commencement du XIIIe siècle se passèrent à la recherche des moyens propres à surmonter les difficultés de la construction des grands édifices voûtés en ogive, non pas que la théorie ne fût bien étudiée par les constructeurs, mais parce que dans l’application des principes ils rencontraient des obstacles sans nombre. Aussi, combien cette architecture ogivale est chercheuse, libre dans son allure, souple dans ses moyens ; qu’on examine toutes nos grandes églises de cette époque, et l’on verra avec quelle persistance, quelle ardeur les maîtres arrivent à résoudre les difficultés ; c’est partout le même principe, mais dans l’exécution chacun montre une subtilité et une fertilité de ressources poussées trop loin quelquefois, mais qui prouvent bien la souplesse et la liberté du nouvel art dans l’emploi des moyens matériels. Il n’est pas, au XIIIe siècle, une difficulté qui ne soit résolue, tellement les progrès ont été rapides, et résolue presque toujours avec simplicité dans l’exécution, avec une grande intelligence de la forme et du besoin. Pendant la dernière moitié de ce siècle, les constructeurs poussent même les conséquences de leur principe, d’équilibre jusqu’à la témérité ; on peut dire que c’est à cette époque qu’ils ont élevé leurs édifices les plus hardis. Cette exagération, cette confiance dans le principe établi se fait beaucoup moins sentir dans les monuments à ogive de l’Ile-de-France ; il n’en est pas de même en Bourgogne et en Champagne, où la qualité excellente des matériaux ajoutait peut-être à l’audace des architectes.

Examinons. comme nous l’avons fait pour l’architecture romane, et en suivant la même route, quelles sont les modifications qu’apporta l’introduction de l’ogive dans les édifices religieux du XIIIe siècle. Commençons par les plans. Retour au plan.

Les plans

Plan de la cathédrale de Chartres.

Plan de la cathédrale de Chartres.

Et d’abord, n’oublions pas que le système des voûtes adopté par les architectes laïques commanda le plan des édifices voûtés ; tous les points d’appui (et il n’y a qne cela dans le plan du monument ogival), leur forme, la place qu’ils doivent occuper, ne peuvent être déterminés que par l’étude préliminaire des voûtes. Cette étude, qui préoccupa plus qu’aucune autre les architectes du XIIIe siècle, fut poussée à un point extrême, surtout en Angleterre, et finit par gagner les provinces qui conservaient les traditions romanes ; dans l’ouest, 1a où la coupole était employée pour couvrir les édifices, les constructeurs adoptèrent les arcs diagonaux comme appuis, comme arêtiers pour bander le petit appareil destiné à fermer la voûte.

Revenons aux plans.

Pendant la période de transition, les beaux plans adoptés par les architectes romans avaient pris déjà un plus grand développement; au XIIIe siècle, des accroissements nouveaux viennent ajouter encore à la disposition générale des édifices : ainsi les nefs, plus vastes, s’accompagnent de collatéraux plus étendus qui se prolongent et tournent autour du sanctuaire; dans les monuments importants, les grandes cathédrales, ces nefs latérales sont doubles, comme on peut le voir a Notre-Dame de Paris, aux cathédrales de Chartres, de Bourges, du Mans et de Coutances ; les cérémonies et les réunions étant plus nombreuses, puisque toute la foule était admise dans les églises, la nécessité d’agrandir le chœur, de l’allonger surtout, devint indispensable, et la majesté des pompes religieuses put s’y déployer. L’agrandissement du chœur à cette époque coïncide avec la construction, dès lors obligée et traditionnelle, de chapelles rayonnantes autour du sanctuaire, et renfermant un autel, « mystérieux supplément à l’autel principal ». Il résulta de cette adjonction régulière des chapelles absidales employées comme nous l’avons vu par les architectes romans du centre de la France, une plus grande étude du système de voûtes ogivales devant couvrir et les chapelles et les collatéraux doubles ou simples. Disons ici que les constructeurs du XIIIe siècle profitant des essais de leurs devanciers de la fin du siècle précédent, arrivèrent a des combinaisons de voûtes dont toutes les pressions sont rejetées au dehors, et qui se résolvent intérieurement sur des points d’appui peu épais ; ils obtinrent ainsi la stabilité au moyen de l’équilibre des efforts opposés, et purent donner un plus grand développement aux chapelles absidales. C’est en effet ce que nous voyons au milieu du XIIIe siècle ; les cathédrales d’Amiens, de Reims, de Beauvais et d’autres moins importantes nous en offrent des exemples remarquables. Retour au plan.

Chapelles, absides

C’est aussi a cette époque que la chapelle absidale située dans l’axe du chœur, et dédiée à la Vierge, devient plus grande et plus somptueusement décorée. Elle acquiert, dans quelques édifices de la fin du siècle, et surtout au XIVe, une dimension si considérable, qu’elle paraît être une petite église accolée à l’abside d’une plus grande. La forme circulaire des absides fut presque toujours celle qui fut adoptée pendant la première période de l’architecture ogivale; cependant, dans quelques édifices, l’abside est carrée, éclairée par deux ou trois grandes fenêtres, ce qui donne au sanctuaire cette même forme.

Quoique cette disposition fut plutôt commune aux églises des bourgs ou des petites villes, on la trouve à la belle cathédrale de Laon, à l’église abbatiale de Saint-Julien, de Tours a celles de Dol et de Vernouillet.

On rencontre aussi des plans d’absides polygonales ou a pans coupés, plans qui permettaient d’élever des voûtes beaucoup plus facilement et d’éclairer le chœur avec de larges et hautes fenêtres avec ou sans meneaux.

La forme en croix latine, sacramentelle au moyen âge, ne fut pas modifiée par les architectes laïques; les transepts, ou bras de la croix, furent plus ou moins allongés ; ils perdirent plutôt en longueur par l’allongement du chœur, qui prit, dans plusieurs édifices, des proportions telles que les constructeurs élevèrent un double transept, disposition que nous avons déjà reconnue a l’église abbatiale de Cluny. L’Angleterre nous en offre plusieurs exemples.

Du côté occidental, le plan des édifices du XIIIe siècle, comme ceux des églises du siècle précédent et des siècles suivants, présente des massifs épais destinés a soutenir les clochers de la façade principale.

La disposition générale du plan des monuments religieux du XIIIe siècle ne se modifia que fort peu dans les siècles suivants ; à part les chapelles des bas côtés de la nef qu’on y adjoignit au XVIe et au XVe siècle, rien ne fut changé, et la forme adoptée par les maîtres de l’œuvre des grandes cathédrales devint, pour ainsi dire, sacramentelle jusqu’à la renaissance du XVIe siècle. Retour au plan.

Matériaux utilisés

En adoptant le système des voûtes ogivales avec arêtiers aussi bien pour les absides que pour les voûtes hautes, les constructeurs du XIIIe siècle furent obligés de se servir de matériaux appareillés avec méthode, et de leur donner un emploi en rapport avec leur nature. On ne trouve plus les petites pierres taillées carrément, plus d’arêtes de poisson, plus d’échiquiers, mais une exécution « pure, franche, apparente ». Comme il fallait rejeter les pressions et les poussées sur des points d’appui très-résistants, les matériaux employés pour bâtir les piles extérieures, sont solides, élevés par assises, et choisis parmi les pierres les plus dures, capables de porter une lourde charge sans s’écraser. Pour les supports verticaux, tels que les colonnes et colonnettes, on employait des pierres dures pouvant se débiter en longs morceaux, et former ainsi des cylindres plus ou moins grêles qu’on posait debout, en délit, et qui conservaient toutes leurs qualités résistantes.

Quant aux matériaux employés pour les voûtes, ils sont petits et légers, n’ayant rien a supporter; les arêtiers des arcs ogives, des formerets et des arcs-doubleaux, sont en pierres plus grandes, et taillées suivant des épures parfaitement déterminées ; car, dans la construction ogivale, l’appareil est placé tel qu’il devra rester, sans aucun épannelage ; les remplissages sont en moellons légers portés sur l’ossature formée par les arêtiers.

En résumé, les architectes du XIIIe siècle soumettent leur système de bâtisse aux édifices qu’ils élèvent ; ils emploient la pierre appareillée par assises, le gros moellon et les monolithes de pierre dure servant d’appuis inflexibles, tels que colonnettes isolées, ou cantonnant un pilier central, ou accouplées ; ils conservent à toutes les parties de leur construction leur fonction vraie, les placent dans des conditions d’équilibre parfait, en leur laissant toute leur élasticité ; en suivant ces principes. ils ont pu élever les gigantesques cathédrales dont nous avons parlé. Rien n’a été négligé par eux pour arriver a équilibrer tous les membres de leurs bâtisses et pour rejeter toutes les poussées au dehors; les pleins de leurs édifices furent donc réduits a des piles et des colonnes laissant entre elles des vides, qu’ils garnirent de compartiments en pierres découpées, tels qu’on en voit aux fenêtres et aux magnifiques roses de nos cathédrales. Ces découpures de la pierre formant clôture a jour se maintiennent suivant les lois de la statique, la pierre n’étant pas en dehors de la fonction vraie. Nous verrons plus tard, au siècle qui suit, les constructeurs exagérer ces dispositions, et être obligés d’employer les armatures de fer pour soutenir les courbes nombreuses qui divisent leurs claires-voies. Retour au plan.

Façade d’entrée

Examinons maintenant l’extérieur d’une église du XIIIe siècle, et commençons par son entrée principale, sa façade occidentale. Rien n’égale la noble grandeur et la majesté imposante de la façade occidentale de nos cathédrales : qu’on la contemple à Notre-Dame de Paris, à Reims, à Amiens, à Chartres, à Rouen, à Strasbourg, on y trouve toujours des dispositions générales, des grandes lignes architecturales qui indiquent bien que ces édifices sont tous élevés avec le même principe, les mêmes idées et le même art, qu’ils sont de la même famille, pour ainsi dire.

En effet, nous distinguons dans les façades principales trois zones. Dans celle du bas, sont les trois portes dont les ogives se retraitent de façon à constituer de véritables porches ; une décoration, splendide presque toujours, s’y fait remarquer : nous en parlerons bientôt. Au-dessus de ces trois entrées, règne la seconde zone ; elle est occupée par une ou plusieurs galeries, ou par de larges fenêtres et une grande rose au-dessus de la porte du milieu ; enfin, la troisième zone se compose des tours ou clochers, couronnés souvent de flèches aiguës plus ou moins élevées, ou se terminant carrément à la naissance des pyramides. Ces trois principales divisions se retrouvent aussi dans les plus petites églises du XIIIe siècle, mais réduites a leur plus grande simplicité.

Étudions les séparément d’une manière succincte, pour ne pas sortir du cadre que nous nous sommes donné. Commençons par les portes. Retour au plan.

Les portes

Coupe du porche de la cathédrale de Laon

Coupe du porche de la cathédrale de Laon

Au XIIIe siècle, les portes des façades, de même que celles des transepts, sont toujours les parties les plus richement ornées des églises et surtout des grandes cathédrales. Les sculpteurs firent complètement disparaître sous une profusion extraordinaire de ciselures fines et délicates, non-seulement les archivoltes moulurées de la voussure des portails, mais encore les pierres du linteau et du tympan. A ce sujet, il faut signaler ce fait important : c’est que les ornements et les nombreuses figures qui décorent les voussures et les archivoltes des portails sont sculptées chacune dans un claveau, et, par conséquent, n’ont besoin d’aucun soutien, Cette méthode dura pendant tout le XVIe siècle, et ne commença à se modifier qu’au siècle suivant, Les figures qui ornent les portails offrent, avec toutes celles de la façade, une véritable
iconographie qui varie pour chaque édifice; on y trouve une très-grande unité et une habileté d’exécution inconnue au XIIe siècle : la pierre semble n’opposer aucune résistance aux sculpteurs, et se façonne comme de l’argile. C’est aussi à partir du XIIIe siècle que la porte principale est divisée en deux baies par un pilier ou trumeau qui se conserva jusqu’à la renaissance. Sur ce pilier est presque toujours placé le Christ tenant l’Evangile et bénissant, tel qu’on le voit à Paris, à Amiens, à Chartres, à Reims. Retour au plan.

Ornementation des portes

Quelquefois les portes furent précédées d’un porche plus ou moins saillant, surmonté de pignons triangulaires et de clochetons. Ces porches sont décorés avec un luxe inouï de sculptures d’ornements et de figures. Le moyen âge ne nous a rien légué de plus magnifique en ce genre que le portail du transept nord de la cathédrale de Chartres. Aucune description ne peut donner une idée exacte de ce merveilleux travail, peut-être le chef-d’œuvre du genre pendant la période ogivale.

Cathédrale Notre-Dame de Chartres

Cathédrale Notre-Dame de Chartres

Les colonnes qui, dans les portails des églises romanes, recevaient la retombée des nombreuses moulures de l’archivolte, furent remplacées, presque toujours a l’époque que nous étudions, par de grandes statues représentant des personnages de l’histoire sainte et autres.

« Ainsi disposées à droite et à gauche de la porte d’entrée, ces figures ont l’air des gardiens de l’église, et elles semblent même en imposer au transgresseur sur l’esprit duquel leur vue dut exercer une certaine action…. L’Église, en les plaçant au seuil de la basilique et sur ce point incessamment fréquenté, eut vraisemblablement une intention, et cette intention se devine. En ces siècles peu avancés, et où les sciences étaient si peu répandues, ou sentit la nécessité d’instruire, et d’instruire le plus profondément. Or, le moyen de l’instruction par les yeux parut très-convenable, et, dès ce moment, on le développa par degrés, et à tel point qu’un jour toute grande église ou cathédrale devint un livre où chaque fidèle trouvait, rendus par la pierre ou par la couleur, tous les principaux faits dont se compose l’ensemble de la religion. »

Ce que nous avons dit en parlant des porches romans peut se rappeler à propos de ceux de l’époque ogivale. Le vestibule de l’église Notre-Dame de Dijon nous en offre un bel exemple. Cependant la plupart de nos grandes cathédrales ne nous montrent pas les constructions saillantes dont nous avons parlé : les porches sont formés simplement par l’ébrasement des portes, ébrasement profond a la vérité, et occasionné par la retraite des voussures et des colonnes ou des supports des statues. On retrouve les mêmes dispositions aux façades des transepts, qui semblent, à partir du XIIIe siècle, avoir réclamé l’attention des architectes. On y remarque, en effet, une ordonnance rappelant plus ou moins celle de la façade et une décoration toujours riche. Dans les églises d’une importance moindre que celle de nos cathédrales, les façades des transepts et leurs portails rappellent les dispositions de la façade principale ; il ne faut pas y chercher la richesse de décoration, la composition élégante qu’on trouve dans les grandes églises, mais on y trouve toujours la simplicité unie à beaucoup d’harmonie.

Telle est la disposition générale de cette première zone des façades principales de nos édifices du XIIIe siècle. Examinons maintenant la seconde zone. Elle nous montre, comme il a été dit plus haut, de larges fenêtres, une grande rose et une ou plusieurs galeries.

Étudions d’abord les fenêtres, aussi bien celles des façades principales que celles des autres parties de l’édifice ogival. Retour au plan.

Les fenêtres

Rappelons-nous que la forme ogivale des fenêtres ne date pas seulement du XIIIe siècle; nous avons vu au XIIe siècle les fenêtres des édifices de la transition avoir leurs archivoltes affectant cette courbe caractéristique. A cette époque, elles n’ont pas de caractère propre, elles sont de toutes grandeurs, et n’affectent pas la forme élancée que nous leur voyons au XIIIe siècle. C’est en effet pendant cette seule période que les ouvertures prennent cet allongement et ces proportions élégantes et gracieuses qui ne contribuent pas peu a donner à nos églises ogivales une hardiesse surprenante et une élévation prodigieuse. On les à comparées à un fer de lance, et les antiquaires anglais les ont appelées fenêtres à lancettes, dénomination qui a été généralement adoptée, et qui a même-servi à caractériser l’architecture ogivale du XIIIe siècle, dite à lancettes.

Galbes de fenêtres du XIIIe siècle.

Galbes de fenêtres du XIIIe siècle.

Les plus simples fenêtres ne présentent point d’ornements, ce sont simplement des baies terminées supérieurement par une ogive; au fur et a mesure que le principe est adopté, l’ogive se garnit d’un tore avec dents de scie, zigzags ou autres ornements, puis des voussures cannelées reposant sur des colonnettes. Ces dernières fenêtres ont un style sévère et grave, qui les distingue; elles sont généralement employées dans les églises de petites dimensions, et alors elles sont espacées les unes des autres par un intervalle plus ou moins grand. Mais dans les édifices plus importants, on voit déjà, à la fin du XIIe siècle, les baies s’élargir, prendre aussi plus de hauteur ; et, comme il fallait soutenir des vitrages, on accola les lancettes deux à deux et on les renferma dans une grande ogive ; la partie comprise entre l’ogive principale et les deux plus petites, fut occupée par une ouverture circulaire, ou en forme de trèfle, de quatre-feuilles ou de rosace.

M. de Caumont a donné le nom de lancettes géminées à ces fenêtres, dont la pure élégance et l’harmonieuse simplicité n’ont jamais été surpassées.

Au temps de saint Louis, l’élargissement des fenêtres devint plus considérable ; on les divisa alors par des meneaux ou barreaux de pierre, qui se multiplièrent, pour faciliter la pose des vitraux dont l’usage était partout admis. Les baies renfermèrent alors deux grandes ogives géminées, comprenant chacune deux autres ogives géminées aussi, et nécessairement plus petites. Au-dessus de chaque ogive, se trouve une rose contre-lobée plus ou moins richement et formée de moulures cylindriques. Les ogives géminées sont soutenues par des colonnettes isolées ou groupées, très-élancées, très-minces, couronnées par des chapiteaux. Des feuillages garnissent souvent l’archivolte principale, et souvent aussi un pignon triangulaire orné de moulures et de crochets termine la partie supérieure de la fenêtre. Insistons sur le caractère que présentent ces divisions des fenêtres au XIIIe siècle. Les meneaux sont toujours simples et peu contournés ; on n’y trouve d’autres formes que celles de l’ogive pure et quelques combinaisons du cercle. N’oublions pas cette distinction des fenêtres du XIIIe siècle avec celles des siècles suivants, où les divisions se multiplient à l’infini et arrivent aux découpures les plus capricieuses et les plus bizarres.

Ou peut considérer les fenêtres de Notre-Dame de Paris et celles de la sainte Chapelle comme des spécimens remarquables de fenêtres du XIIIe siècle.

Dans les façades des églises de petites localités, on rencontre fort souvent trois fenêtres lancettes rapprochées l’une de l’autre, et éclairant la nef ou les transepts ; dans ce cas, celle du milieu est toujours plus élevée que les deux autres. On observe cette disposition à Chartres, à Saint-Denis. Les églises à abside carrée sont ordinairement éclairées par trois fenêtres ainsi disposées.

Il est évident que les fenêtres telles que nous venons de les décrire, présentent ces caractères, quelle que soit la place qu’elles occupent dans les édifices ; observons seulement que les fenêtres qui éclairent la partie supérieure des grandes nefs, et qu’on appelle, d’après les archéologues auglais, clerestory, sont toujours plus simples que celles des parties inférieures : on peut voir cette disposition a Notre-Dame de Paris. Retour au plan.

Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris

Roses ou rosaces

Des fenêtres passons aux roses, dont nous avons vu déjà le développement commencer à la fin du XIIe siècle. Elles sont percées ordinairement au-dessus du portail central de la façade occidentale ou au-dessus de celui des transepts. Au commencement du XIIIe siècle, elles conservent l’aspect de celles du siècle précédent, c’est-a-dire qu’elles sont découpées simplement de contre-lobes ; dans les premières années de la période qui nous occupe, elles prennent de la grandeur et de la hardiesse par l’adjonction de colonnettes qui reçoivent des arcades cintrées ou tréflées, et qui sont disposées au dedans de la circonférence comme les rayons d’une roue. Ces colonnettes possèdent des chapiteaux et des bases, comme celles qui sont employées dans les autres parties de l’édifice.

Quelquefois, comme à Notre-Dame de Paris, les roses présentent plusieurs séries concentriques de trèfles, de quatre-feuilles, de rosaces, venant s’attacher aux colonnettes et les divisant ainsi en plusieurs étages.

Roses du XIIIe siècle.

Roses du XIIIe siècle.

En général, le XIIIe siècle ne nous présente pas ces grandes roses découpées a l’infini, telles qu’on les rencontre dans les deux siècles suivants ; elles conservent, au contraire, la simplicité que nous avons signalée dans les fenêtres, et leurs harmonieuses proportions. On peut se rendre compte de l’effet que produisent intérieurement ces roses avec leurs vitraux brillants, par celles que nous pouvons admirer dans nos grandes églises. Retour au plan.

Galeries

A l’extérieur des grands édifices de l’époque ogivale, comme du reste à l’intérieur, on trouve des galeries à jour, comme on en voit à quelques églises romanes. Ces galeries se composent de longues et minces colonnettes supportant des lancettes simples ou trilobées, quelquefois géminées. La richesse de ces grandes arcatures est plus grande sur les façades occidentales et sur celles des transepts, que partout ailleurs. On en peut juger par les deux belles galeries que présente la façade de Notre-Dame de Paris. Celle inférieure, appelée galerie des rois, nous offre un exemple d’arcs trilobés, garnis de billettes à l’archivolte et surmontés de bastilles, s’appuyant sur de légères colonnettes coiffées d’excellents chapiteaux à crochets ; derrière cette galerie règne un passage couvert. Celle supérieure, située à la base des deux tours, nous présente une suite d’ogives élégantes portées sur un faisceau de colonnettes, divisées par deux arcs trilobés s’appuyant sur une colonnette grêle qui tient le milieu de chaque lancette principale ; des à-jour formant trèfles complètent cette légère galerie dont la hardiesse surprend le spectateur. Retour au plan.

Tours et clochers

Au-dessus de cette deuxième zone des façades principales, s’élèvent les tours ou clochers.

Nous avons vu, dans l’étude que nous avons faite des tours romanes, que jusqu’à l’époque de la construction des grandes cathédrales, les clochers sont généralement des monuments annexés aux églises, et s’éloignant souvent par leur style de celui des monuments auxquels ils appartiennent. C’était un édifice élevé surtout en vue d’une rivalité de ville a ville, ou de monastère à monastère, et qui, en excitant l’admiration des étrangers, flattait la vanité des populations qui les élevaient.

Mais quand l’esprit communal se fut développé, quand l’esprit commercial et industriel des cités affranchies eut pris de l’essor, le clocher acquit une véritable importance. Les villes, les évêques, voulurent montrer, ceux-ci leur prépondérance, celles-la leurs franchises, et témoigner par un signe visible de la grandeur et de la richesse de leur cité. Aussi le clocher devint-il le monument de toute la population, le monument municipal.

Clocher cathédrale de Chartres

Clocher cathédrale de Chartres

Au XIIIe siècle, dans le royaume de France, les clochers isolés ne se bâtissent plus ; ils sont toujours élevés aux façades des églises, « participent à leur composition générale, et ne deviennent réellement clochers qu’au-dessus du niveau des collatéraux et des murs des nefs » : tels sont ceux de nos grandes cathédrales, Paris, Laon, Reims, Chartres, etc. Cependant les contre-forts dont ils sont flanqués montent de fond et déterminent sur la façade quatre saillies plus ou moins prononcées, se retraitant aux grandes divisions horizontales et quelquefois ornées de clochetons, de statues ou autres motifs d’ornementation. Ces quatre contre-forts divisent la façade en trois portions verticales ; celle du milieu contient le portail principal et la grande rose, et les deux autres, les deux portails qui donnent entrée directe dans les bas côtés, et les grandes ogives géminées qui les éclairent.

Les clochers de l’époque ogivale primaire présentent la même ordonnance générale que celle des clochers de la période romane. Ils montent de fond et conservent la forme quadrangulaire jusqu’à la galerie qui termine la deuxième zone que nous avons indiquée. A partir de ce point, où ils se détachent complètement de la masse de la façade, ils s’élèvent généralement sous la forme carrée et sont surmontés d’une pyramide ou flèche octogonale ; jusqu’à la base de cette flèche, la masse du clocher est flanquée de contre-forts aux angles, et ses faces sont percées d’un ou de plusieurs étages de fenêtres ogivales.

Ainsi qu’on vient de le voir, le clocher passe du plan rectangulaire à celui de l’octogone ; il résulte de cette, disposition quatre espaces triangulaires entre les quatre angles de la tour, et la base de la flèche, sur lesquels s’élèvent quatre clochetons-plus ou moins élancés sur les colonnettes qui les portent. Les faces de la flèche sont quelquefois percées de fenêtres à pinacles, comme on le voit au clocher de Senlis; mais le plus souvent, ces fenêtres ne se présentent que sur quatre faces, celles qui correspondent aux quatre faces de la tour. Quelques clochers ont deux étages de clochetons, et alors le plan octogonal se montre dès le second étage. Les clochetons ne sont évidemment élevés dans ce genre de tours que pour servir de transition entre la base cariée et la portion octogonale qui est surmontée de la flèche.

Ces clochers du XIIIe siècle nous prouvent tout le soin que déploient les architectes pour appeler l’attention sur ces monuments ; ils recherchent les effets surprenants, les silhouettes découpées, élégantes, et souvent en employant des moyens compliqués. Mais ils comprennent que les combinaisons les plus simples « sont les plus propres a donner l’idée de la grandeur », et nous les voyons élever une grande quantité de clochers exécutés avec un grand soin, un profond sentiment de l’harmonie générale des lignes et de l’effet pittoresque. C’est surtout dans l’érection des flèches que les constructeurs de a fin du XIIe et du XIIIe siècle déployèrent leurs connaissances « des lois de la stabilité et de l’équilibre, des matériaux et de l’effet des agents atmosphériques sur leur surface ». Jusqu’alors les clochers se terminaient par des pyramides de pierre, sans lien architectonique, avec la masse de l’édifice ; mais déjà dans la dernière moitié du XIIe siècle, ils font une étude approfondie de ces flèches creuses ; ils augmentent leur élévation et, par suite, leur acuité ; leur donnent, comme nous l’avons dit, la forme octogonale, et les percent de lucarnes, les garnissent d’arêtiers saillants et d’imbrications ou d’écailles. Le plus bel exemple que nous puissions citer de cette époque, est la flèche du clocher vieux de la cathédrale de Chartres (terminé en 1145), la plus grande que nous ayons en France, et qui peut passer pour une oeuvre des plus remarquables. Nous citerons encore la tour Saint-Romain à la cathédrale de Rouen.

Une difficulté que les architectes du XIIIe siècle ont résolue avec un grand bonheur, c’est, comme je l’ai dit plus haut, le passage de la tour carrée à la forme octogonale de la flèche; ils ont su amener l’œil par une transition habile de la base au sommet et ont surtout étudié la silhouette de ces édifices, le jeu de la lumière et des ombres, des effets de perspective, de manière à produire une vive impression.

Pendant cette belle période architecturale qui signale le règne de saint Louis, les flèches de pierre deviennent plus légères, plus élégantes ; les pinacles sont plus élancés, les lucarnes montrent mieux le vide, et la sécheresse des arêtiers est diminuée par une série de crochets saillants qui donnent à la flèche un profil dentelé caractéristique. Un des beaux exemples de tour complète datant de cette époque, est le clocher de Senlis ; la flèche de Saint-Denis, dont la destruction forcée est si regrettable, nous offrait un modèle de ces hautes pyramides qui semblent se perdre dans le ciel, et donne une idée du génie des architectes du XIIIe siècle. A la fin de la période de transition, les flèches prennent déjà des proportions considérables relativement aux tours carrées qui les supportent. Dans beaucoup d’églises, elles sont plus élevées que les tours ; mais cette exagération cessa aux époques suivantes, et nous voyons la flèche de Strasbourg, par exemple, être bâtie dans les proportions contraires.

Beaucoup de clochers de nos grands édifices religieux n’ont pu être achevés, il leur manque la flèche ; dans ce cas, ils sont terminés par un toit plus ou moins élevé en charpente, ou par une plate-forme. Citons Notre-Dame de Paris, la cathédrale de Laon, celle de Reims, sur les façades desquelles on regrette de ne pas voir les flèches aiguës s’élancer dans les airs et compléter le bel ensemble qu’elles présentent.

Terminons eu rappelant que c’est dans l’Ile-de-France, dans le domaine royal, que sont nées ces flèches qui surmontent les clochers de nos cathédrales ; qu’elles ne deviennent de véritables monuments que sous l’influence de l’esprit sécularisateur des écoles laïques, et qu’elles purent signaler au loin la puissance des communes affranchies. De l’Ile-de-France, l’exemple se propagea au dehors : l’Allemagne, l’Angleterre en élevèrent un grand nombre pendant le XIIIe siècle et les suivants.

Nous avons vu, pendant la période romane, qu’on éleva un clocher à la rencontre des transepts et de la nef, et que, dans beaucoup d’églises, il y eut ainsi trois tours. Mais, au XIIIe siècle, on commença à flanquer les façades des transepts de clochers isolés sur trois faces et qui devaient présenter le même aspect que ceux de la façade principale. Malheureusement, ces constructions ne furent jamais terminées; les cathédrales de Reims et de Chartres nous les montrent élevées jusqu’à la hauteur du toit de la nef. Retour au plan.

Les flèches

Quant aux clochers centraux des églises romanes, ils furent souvent remplacés, pendant la période ogivale, par des flèches construites en bois et couvertes d’ardoise et de plomb. Notre-Dame de Paris possédait une flèche en charpente élevée au commencement du XIIIe siècle, qui subsista jusqu’en 1811, et qui fut reconstruite il y a quelques années par notre habile et savant architecte M. Viollet-leDuc. On en voit une à la sainte Chapelle de Paris, qui datait du XVe siècle et qui fut réédifiée par M. Lassus. C’est une des plus belles flèches en charpenterie qu’on puisse citer. Il ne reste que fort peu de ces constructions en charpentes. Après les deux exemples que nous venons de nommer, nous indiquerons la flèche de l’église d’Orbais (Marne) recouverte d’ardoise ; celle de l’église d’Eu, revêtue de plomb dans sa partie supérieure et d’ardoise à sa base ; celle d’Evreux, élevée sur la tour centrale qui surmonte la croisée ; enfin la flèche remarquable de la cathédrale d’Amiens, rivale de celle de Notre-Dame de Paris.

Ces constructions en bois montrent bien le goût et la science pratique des maîtres de l’œuvre, et nous allons bientôt voir, en parlant de la couverture des édifices à ogives, qu’ils savaient aussi bien construire en bois qu’en pierre. Au moyen âge, en effet, l’art du charpentier était arrivé a un tel développement, que les perfectionnements modernes y ont peu ajouté. Retour au plan.

flèche Cathédrale Notre Dame de Paris

flèche Cathédrale Notre Dame de Paris

Les Latéraux

Nous venons de passer en revue les parties principales de la façade occidentale de nos édifices religieux du XIIIe siècle; passons maintenant aux faces latérales, qui présentent un aspect remarquable ; on en peut juger parcelles de la cathédrale de Paris, qui peuvent nous servir de modèles et de guides. Examinons une de ces façades latérales de Notre-Dame, celle du midi qui longe la Seine : nous y remarquons trois étages bien marqués, se retraitant les uns sur les autres; au rez-de-chaussée, les chapelles éclairées par de larges baies ogivales à meneaux, chapelles qui datent du XVIe siècle ; au premier étage, les galeries des bas côtés, qui reçoivent du jour par des fenêtres ogivales, celles du triforium, aussi divisées par des meneaux ; enfin, au-dessus, les fenêtres qui éclairent la grande nef.

Ces trois grandes divisions horizontales sont coupées perpendiculairement par des contre-forts et des arcs-boutants d’une grande hardiesse, et qui forment un système d’appuis solides soutenant les voûtes de la nef et reportant les pressions au dehors. Les transepts partagent ces faces latérales en deux portions inégales, et montrent leurs façades particulières qui participent ordinairement de l’ordonnance et de la décoration de la façade occidentale. Ce qui caractérise davantage les côtés latéraux de nos grandes cathédrales, c’est la présence des arcs-boutants dont l’effet pittoresque est incontestable, et qui ont donné lieu a de graves discussions. Retour au plan.

Contre-forts et Arcs-boutants

Arcs-boutants et cotre-forts du XIIIe siècle.

Arcs-boutants et cotre-forts du XIIIe siècle.

Nous avons montré combien les constructeurs du XIIe siècle avaient été préoccupés de la recherche des moyens de diminuer la masse des matériaux, sans sortir des conditions de stabilité et d’équilibre, en réduisant toutes les poussées à des charges verticales, venant se résoudre sur des contre-forts extérieurs. A la fin du XIIIe siècle déjà, les architectes ont développé ce système de renvoyer tous les efforts supérieurs au dehors, et nous les voyons adopter franchement l’arc-boutant extérieur, surtout dans le nord de la France. l’arc-boutant simple ou double appuie sa tête sur les murs de la nef, au droit des poussées de ses grands arcs, et reporte toutes ses pressions sur les contreforts épais en maçonnerie, véritables culées qui ont été décorées avec habileté, afin d’en cacher la massive épaisseur. Les arcs-boutants qui sont ainsi projetés en l’air en passent au-dessus des collatéraux, étaient inconnus au XIIe siècle, ou du moins nous avons montré qu’a cette époque les arcs qui recevaient la poussée des voûtes hautes étaient cachés sous la toiture des bas côtés, et par conséquent n’étaient pas apparents au dehors. Pendant la période de transition et au XIIIe siècle, ils deviennent des arcs aériens dont la courbe est un arc de cercle d’un grand rayon. On peut se rendre compte de ce système a Notre-Dame de Paris, dont les immenses arcs-boutants sont pleins de hardiesse et de légèreté.

Dans les grandes églises qui possèdent des collatéraux doubles, les arcs-boutants sont à deux volées, c’est-a-dire qu’ils ont un point d’appui intermédiaire recevant une partie de la poussée et permettant ainsi de diminuer la masse des contre-forts extérieurs. Quand les nefs et les chœurs avaient une grande élévation, les architectes ne craignaient pas de placer deux étages d’arcs-boutants, comme on peut le voir au chœur de Beauvais et a la cathédrale de Cologne. Les contre-forts avaient alors une grande hauteur, et, comme les arcs étaient à double volée, leur épaisseur se trouvait diminuée. Cependant, comme il fallait conserver leur stabilité, les constructeurs chargèrent leurs têtes de clochetons, de pinacles pyramidaux, qui devinrent une décoration; ils ornèrent aussi les faces de ces contreforts par des niches ou des arcades aveugles qui leur donnèrent de la légèreté sans retirer rien de leur solidité.

Jusqu’au milieu du XIIIe siècle, les eaux pluviales étaient rarement rejetées loin des murs de l’édifice ; elles tombaient directement du larmier de la corniche. A cette époque, on reconnut les inconvénients de ce système, et, comme les arcs-boutants montaient jusqu’en haut des murs de la nef, on eut l’idée de s’en servir comme autant d’aqueducs pour mener les eaux pluviales en dehors du périmètre de l’église. A cet effet, les eaux étaient reçues dans le chéneau de pierre des grands combles, passaient à travers les têtes des contre-forts, coulaient dans des rigoles pratiquées dans l’épaisseur des arcs, et ensuite étaient rejetées au delà des murs par des tuyaux de pierre faisant une grande saillie, et qu’on appelle gargouilles. Ces gargouilles sont façonnées en forme de monstres bizarres, plus ou moins contournés, a la gueule béante, et semblent péniblement accrochés aux angles des murailles et des contre-forts.

Mais les architectes s’aperçurent bientôt que ces conduites d’eaux, creusées directement sur la tête des arcs-boutants, occasionnaient des infiltrations qui pouvaient amener la ruine des arcs et causer de graves désordres dans la construction; ils prirent alors le parti de faire porter à l’arc-boutant une arcature légère qui supportait la conduite de pierre; ils évitèrent, au moyen de ce véritable aqueduc, l’infiltration des eaux dans les arcs-boutants. La cathédrale d’Amiens, l’église d’Eu et beaucoup d’édifices des siècles suivants, nous offrent de ces arcs ajourés jetés hardiment au-dessus des collatéraux.

Les arcs-houtants, avec leurs contre-forts, entourent les églises ogivales d’une ceinture d’arcades pleines de hardiesse, de clochetons, qui, en contournant l’abside, produisent les effets les plus remarquables de perspective « par le rapprochement de tous les éléments de construction en raison de la courbure du sanctuaire ». Il faut examiner nos belles églises du XIIIe siècle pour se rendre compte de ces effets.

Ce système d’arcs-Mutants si nombreux et si importants dans la construction des édifices du moyen âge a été l’objet des attaques des détracteurs du style ogival ; ils l’ont considéré comme une imperfection, et n’ont vu dans les arcs-boutants que des étais dont on n’a pas osé dégager l’édifice ; poussant plus loin leur critique, ils ont nié qu’il y eût au moyen âge un système de construction; que tous les monuments élevés à cette époque ne donnaient que l’idée de la confusion, de l’ignorance et du désordre.

Si l’analyse, succincte il est vrai, des principes architectoniques que nous donnons ne prouvait pas tout le contraire, nous en appellerions aux études et aux œuvres des maîtres les plus autorisés, les de Caumont, les Vitet, les Viollet-le-Duc, qui ont prouvé et prouvent chaque jour que l’architecture ogivale « possède un système de proportions, un système de construction, un système d’ornementation ; systèmes qui lui sont propres, qui constituent son originalité et qui la rendent profondément distincte non-seulement de l’architecture antique, mais de tous les modes de bâtir employés successivement a d’autres époques du moyen âge. » Retour au plan.

La couverture

Il nous reste, pour terminer l’examen rapide des parties principales de l’extérieur d’un édifice du XIIIe siècle, à parler des couronnements et de la couverture.

L’époque romane nous a montré des entablements composés avec des consoles ornées ou des figures; au XIIIe siècle, les consoles moulurées ou ornées sont reliées par des arcatures ogivales ou trilobées qui courent tout autour de l’édifice. Le plus souvent, l’entablement se compose de moulures formant corniches, et ces moulures sont garnies de larges feuilles à crochets, profondément découpées, et donnant des ombres bien tranchées, comme on peut le voir à la cathédrale de Paris.

Mais dans la première moitié du XIIIe siècle, quand des chéneaux facilitèrent l’écoule1nent des eaux pluviales, on en profita pour établir un moyen de circuler dans les parties hautes de l’édifice; et comme ces passages étroits présentaient des dangers, on éleva des rampes de pierre, qu’on allégit en les évidant, et qui devinrent alors de véritables balustrades. Cette garniture des corniches devint dans la suite le couronnement nécessaire des églises ogivales. Tous les murs, tous les étages furent surmontés de balustrades. Ainsi, dans nos grandes cathédrales, on en trouve trois étages : au-dessus des fenêtres des chapelles, au-dessus, de celles des bas côtés et au sommet des murs de la nef, a la chute des grands combles. Retour au plan.

Les balustrades

Les constructeurs du XIIIe siècle, qui cherchaient à donner de la légèreté a tous les membres de leurs édifices, trouvèrent dans la composition des balustrades un champ qu’ils exploitèrent avec un grand bonheur. Ils leur donnèrent en effet des formes excessivement variées, une construction et une décoration qui sont en rapport avec la nature des matériaux mis en œuvre. On peut eu juger par la balustrade qui est placée au-dessus de la galerie des rois et par celle qui termine les tours de Notre-Dame de Paris ; ces deux exemples nous présentent deux modèles de balustrades très-différentes de composition.

Balustrade du XIIIe siècle.

Balustrade du XIIIe siècle.

En général, les balustrades du XIIIe siècle, qui font partie de la corniche, et qui ajoutent à la richesse du couronnement, sont composées de petites colonnettes avec chapiteaux portant une architrave plus ou moins moulurée, ou bien cette architrave porte sur une suite de petites ogives ou d’arcs trilobés dont la retombée est reçue par les chapiteaux des colonnettes.

Souvent celles-ci sont remplacées par des montants grêles sans chapiteaux supportant également l’arcature ogivale ou tréflée. Quelquefois, entre ces arcs, on voit des à-jour en forme de trèfles ou de quatrefeuilles.

A la fin du XIIIe Siècle les architectes abandonnent presque généralement les balustrades à colonnettes, et les remplacent par une suite de trèfles, de quatre-feuilles, de triangles ou de carrés posés sur l’angle, avec des ogives aux quatre pointes. Nos églises, nos cathédrales du XIIIe siècle nous offrent des exemples variés de balustrades dont l’ornementation est souvent riche et se mêle à celle des clochetons, des pinacles des contre-forts. Nous les retrouverons bientôt à l’intérieur des édifices, où nous les verrons prendre une grande importance dans l’ensemble de la décoration. Retour au plan.

Balustrade cathédrale de Strasbourg.

Balustrade cathédrale de Strasbourg.

Les combles

Nous avons vu que les architectes romans avaient cherché à préserver leurs voûtes hautes en berceau des effets des eaux pluviales, des infiltrations et de l’humidité, en les couvrant de dalles ou de tuiles, et qu’ils avaient bien vite renoncé à ce système pour élever une toiture de charpente ; mais ils avaient dû faire de nombreux essais avant d’arriver à une solution satisfaisante. Il était donné aux architectes du XIIIe siècle d’apport aux charpentes de combles des perfectionnements qui les rendissent solides sans trop charger les murs goutterots qui les portent. Déjà, à la fin du XIIe siècle, les architectes avaient fait faire un grand pas à l’art du charpentier, art que les progrès du XIIIe siècle et de ceux qui suivirent complétèrent de telle façon, que de nos jours les perfectionnements y ajoutent peu.

Les combles de nos églises, grandes et petites, présentent une grande acuité, due à la forme aiguë des maîtresses voûtes, et. aussi à la nécessité de faire couler rapidement les eaux dans un pays où il pleut les deux tiers de l’année. Ces combles sont couverts par des lames de cuivre ou de plomb, par des tuiles ou par des ardoises, et ont leur faîte couronné par une crête continue de terre cuite ou de métal. Les crêtes du XIIIe siècle sont de véritables ornements qui terminent le toit, en lui donnant de la légèreté et une silhouette moins sèche qu’une ligne droite. Retour au plan.

Nous venons de passer en revue les caractères architectoniques que présente l’extérieur des édifices religieux de la belle époque de l’art ogival ; il nous reste a examiner ceux de l’intérieur, et à montrer que les maîtres de l’œuvre ont déployé toute leur habileté et toutes les ressources de leur génie fécond et subtil pour rendre l’intérieur digne de l’extérieur, mais ce sera pour un autre article.

Notes :

Source technique Léon Château et son ouvrage « Histoire et caractères de l’architecture en France depuis l’époque druidique » 1864.

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