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Abbaye et église de Montivilliers

Publi du jeudi 8 mars 2012
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Comme Saint-Philbert de Jumièges avait une sœur dans Sainte-Austreberte de Pavilly, l’abbaye royale de Fécamp avait aussi une sœur dans celle de Montivilliers. Toutes deux filles de nos ducs, elles jouirent toutes deux du rare privilège de l’exemption épiscopale. L’abbesse de Montivilliers portait la crosse, la mître et l’anneau des prélats; elle avait ses vicaires-généraux, ses chanoines, son official, son promoteur comme un évêque, et elle siégeait pontificalement dans une basilique aussi grande qu’une cathédrale. De toute cette gloire passée, il ne reste plus que le souvenir et le superbe monument que nous allons visiter et décrire.

Il faut savoir avant toutes choses que l’église de Montivilliers était à la fois abbaye et paroisse. Cette double destination de l’édifice est encore facile à saisir, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. L’abbaye, dédiée à Notre-Dame, date du XIe siècle, et la paroisse, dédiée à Saint-Sauveur, est une addition du XVIe.

Ancienne abbaye de Montivilliers

Ancienne abbaye de Montivilliers

Visite architecturale :

Le grand portail, quoique simple et nu au premier coup-d’œil, ne laisse pas d’être assez compliqué. Il se compose du pignon occidental de l’église et d’une tour carrée placée à l’angle Nord de la façade.

La porte principale est un plein-cintre soutenu par deux colonnettes dont les chapiteaux sont formés avec des têtes saillantes et divers motifs romans. La voussure est un rang de dents de scie, de frettes crénelées et de détails byzantins formant saillie.

Au-dessus est un grand cintre formé de pierres symétriques, genre d’ornement qui se rencontre parfois dans l’architecture du XIIe et du XIIIe siècle, notamment à la cathédrale de Rouen et à l’abbaye de Fécamp.

Sur le portail est une magnifique fenêtre du XIVe siècle. Elle a six meneaux et est toute remplie de roses et de quatre-feuilles. On dirait une corbeille de fleurs; c’est une des plus belles fenêtres de l’arrondissement du Havre et un des plus beaux morceaux du XIVe siècle, dans le diocèse. Mais, malheureusement, elle a été bien maltraitée par la main du temps. Les feuilles de rose ont été emportées par le vent des tempêtes, et les brèches ont été réparées avec un grossier replâtrage en maçonnerie. Quel effet magique devait produire autrefois cette ogive, lorsque le soleil couchant venait embraser les roses et les faire étinceler des feux du diamant! Quel magnifique effet produirait aujourd’hui une réparation intelligente, qui substituerait à cet opaque replâtrage une radieuse verrière coloriée, à la façon brillante du XIVe siècle !

Quand nous lisons dans Toussaint Duplessis, qu’en 1370, on dépensa 700 florins pour la réparation de l’église, nous sommes tentés de croire que cet argent fut employé en grande partie pour la confection de cette belle fenêtre, car c’est à peu près la seule trace d’architecture de cette époque que nous connaissions dans toute l’église.

Au XVIe siècle, de grossiers contre-forts furent ajoutés à la base du portail pour le soutenir contre les ébranlements des âges.

La tour, qui s’élève à l’angle Nord de l’édifice, lui donne un air très pittoresque. Âpre et nue comme les tours romanes, elle est surmontée d’une flèche haute et svelte comme les pyramides du XIVe siècle. Au premier ordre sont des cintres rebouchés, formant tapisserie; au second sont des fenêtres avec voussures.

Nous croyons la flèche octogone, qui couronne la tour, de la fin du XIIe ou du commencement du XIIIe siècle. La nudité de la pierre est dissimulée par des écailles de poisson, espèces de découpures imitées plus tard sur nos clochers en essente. Quatre clochetons entourent la pyramide. La tourelle est octogone, mais le toit est en forme de cône. Chacune des faces est percée par des ogives primitives, véritable indice de la transition.

Cette tour est seule maintenant, mais nous sommes portés à croire qu’elle ne l’a pas toujours été, et qu’une sœur jumelle l’accompagna jadis. Nous avouons toutefois qu’il n’en reste plus aucune trace.

A l’intérieur du portail, j’ai remarqué aux colonnettes, des chapiteaux couverts de bandelettes entrelacées comme au prieuré de Graville.

La première voûte de la tour est brisée. Le fond renferme une niche absidale comme à Graville. Ce genre de construction est particulier au XIe siècle. J’en ai remarqué beaucoup d’exemples dans les églises de Sainte-Trinité d’Angers, de Saint-Nicolas de Blois et de Saint-Céneri, dans l’Orne.

La tour des transepts est plus large et plus écrasée que celle du portail, mais elle est sombre et austère comme elle. Chacun des côtés présente un rang de trois fenêtres ornées de voussures; une corniche de têtes grimaçantes et de pierres plates couronne l’oeuvre.

L’appareil des deux transepts est roman, ainsi que les corbeaux des corniches; mais les fenêtres ont subi bien des modifications; presque toutes ont été refaites au XVIe et au XVIIe siècle.

Il en est de même de celles du chœur et de la chapelle de la Sainte-Vierge, qui sont du plus mauvais flamboyant que je connaisse.

Voilà pour l’abbaye. Voyons maintenant la paroisse:

L’église paroissiale se reconnaît à ce massif de chapelles toutes garnies de fenêtres avec contre-forts du XVIe siècle; mais le plus beau morceau de cette église Saint-Sauveur, c’était le portail.

Trois belles arcades ogivales lui donnent un des plus beaux porches que nous connaissions; malheureusement les tympans extérieurs ont été brisés et les accolades sont restées inachevées. Le tympan de la grande porte est chargé de rameaux et de feuillages. On est saisi à l’entrée, et l’on se croit un moment transporté dans une forêt de pierre. Au milieu du tympan est une niche avec un dais allongé. La voussure est décorée de feuilles de vignes attachées à des branches qui se terminent par des rats d’eau. Huit petites niches renferment des statues assises, dont la tête a été cassée. Un ange est au milieu et apparaît comme l’ange du jugement.

La porte en bois est un beau travail du XVIIe siècle.

Sur elle sont sculptées en relief des vignes avec échalas ; des treillis et des claies semblent entourer un vignoble. Les branches sont chargées de raisins que dévorent des ramiers sauvages. Nous croyons retrouver ici une relique des anciens clos de la Vigne, au pays de Caux, et une allusion à la fameuse histoire des dadins qui ravagèrent ce pays au XVIe siècle.

D’après une étude de Jean Benoît Désiré Cochet en 1845 concernant les églises de l’arrondissement du Havre.


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